vendredi 31 août 2012

Le perroquet qui begayait - Alfred Hitchcock


Auteur : Alfred Hitchcock (ANG)
Titre : Le perroquet qui begayait
Editions Le livre de poche jeunesse (2008)
Parution originale : 1964


Connu comme étant l'un des plus grands cinéastes de tous les temps, c'est avec une surprise non feinte que je découvris qu'il avait prit la plume pour des nouvelles et pour des romans destinés à la jeunesse. Mais mon bonheur fut de courte durée, et la déception à hauteur de cette supercherie commerciale.


Car il y a bien une tromperie envers le consommateur. La première couverture mentionne Alfred Hitchcock, et son nom est également en majuscules sur la tranche. Il n'y a donc pas de doute possible, c'est bien du Hitchcock que je m'apprêtais à lire. Or, Hitchcock a uniquement prêté son nom à la série en question, mais n'est en aucun cas son auteur. Je trouve ce procédé très malhonnête, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de tirer profit en se servant d'une célébrité, destiné à booster les ventes. Ils auraient du préciser en couverture par ex. "Alfred Hitchcock présente...". Je me suis fait pigeonner, et cela me servira de leçon.

Quid de l'histoire, donc ? Ecrite par un ou plusieurs anonyme(s) ? Le mystère demeure entier. Bref, passons. L'histoire se déroule à Hollywood. Trois ados ont monté une agence de détectives et sont sur leur première enquête. Un acteur adepte du théâtre shakespearien  a perdu son perroquet. Dit comme ça, je ne vous vend pas du rêve. La suite des évènements devient vite intrigante et trépidante. Au domicile de l'acteur, l'homme qui les a reçu prétend avoir reçu un coup de téléphone d'Alfred Hitchcock afin de l'avertir de leur visite. Or, en quittant le domicile, les détectives constatent l'absence de fils téléphoniques reliant la maison. De plus, ceux-ci ont entendu des appels à l'aide, mais leur hôte affirma qu'il s'agissait du perroquet revenu un peu plus tôt. L'individu quitte les lieux pendant que les jeunes y retournent. Là-bas, ils trouvent le véritable acteur, ligoté. Ce perroquet très convoité n'est que le premier des 7 vendus par un mexicain. Tous possèdent des noms peu communs, et répètent une même phrase bien énigmatique...

D'une grande limpidité, cette enquête truffée d'humour et de malice se lit d'une traite. Les trois apprentis détectives brillent d'inventivité et de perspicacité. Les polars pour la jeunesse étant loin d'être légion, c'est une excellente entrée en la matière.


Si je n'ai rien à redire sur les qualités intrinsèques de l'oeuvre, c'est plus à propos de la duperie de l'éditeur que j'émets une grosse réserve, pour les raisons évoquées plus haut. De ce fait, j'aurai beaucoup de mal à conseiller ce livre, car la pilule ne passera pas de si tôt.


mardi 28 août 2012

La guerre des boutons - Louis Pergaud




Auteur : Louis Pergaud (FRA)
Titre : La guerre des boutons
Editions Folio junior
Première parution : 1912


Deux villages de Franche-Comté se font une guerre sans merci depuis des générations. D’un côté les Velrans, de l’autre, les Longeverne.
Agés d’une douzaine d’années, les gosses s’insultent copieusement et se ridiculisent à qui mieux mieux. Lorsqu’un jour, les Velrans font prisonnier un « ennemi » et lui chipent tous les boutons de ses habits. De retour au bercail, il prend une bonne dérouillée par ses vieux. L’heure de la vengeance ne tarde pas à sonner…


Au-delà du simple conflit entre deux bandes villageoises de pré-adolescents, « La guerre des boutons » est avant tout une formidable aventure humaine, une école de la vie. Chacun des jeunes des deux clans façonnent leur personnalité, leur identité, au sein du groupe. Ces groupes qui, à l’instar de toute société, possède leur propre hiérarchie. La solidarité, la complicité, le soutien dans les moments rudes, sont autant de qualité requises pour les faire vivre et avancer devant l’épreuve. Ils doivent non seulement lutter contre l’autre bourgade, mais aussi subir (et donc éviter au possible) les roustes des parents. Bien que cette guerre soit « juvénile », elle n’en demeure pas moins d’une grande cruauté : violences verbales et physiques (jets de cailloux, coups de trique, coups de poings et de pieds, tortures, etc.) et autres humiliations (crachats, habits souillés…). C’est aussi un hymne à l’amitié, au partage de certaines valeurs. Pergaud n’épargne pas ses jeunes lecteurs via un langage qui est parfois très dur, les préparant ainsi aux vicissitudes d’une vie.


Nous faisant passer par toutes les émotions, « La guerre des boutons » est un récit poignant et percutant, entrecoupé de moments drôles pour détendre l'atmosphère, que nous conseillons à partir de 12 ans. 

mercredi 15 août 2012

Babe, le cochon devenu berger - Dick King-Smith


Auteur : Dick King-Smith (ANG)
Titre : Babe, le cochon devenu berger
Edition Folio junior
Parution 1986 (VO, 1983)

Revenu blessé de la seconde guerre mondiale, King-Smith s'occupe de la ferme familiale à partir de 1947. Sa passion pour les animaux depuis son enfance s'en trouve renforcée. A la fin des années 60, il enchaîne plusieurs métiers. Vers 1975, il devient instituteur dans une école primaire. Ses élèves l'incitent à prendre la plume. Pas moins de cent romans verront le jour. "Babe, le cochon devenu berger", publiée en 1983, est assurément une de ses plus belles réussites.


Durant une foire, un fermier tente sa chance à un jeu : celui qui devine le poids exact d'un cochon, en misant dix pence, en sera l'heureux propriétaire. Lui qui ne gagne jamais rien voit sa chance tournée. 
De retour à la ferme, le petit cochon fait la connaissance de Ficelle, la chienne du berger, et de ses quatre chiots qu'elle forme pour qu'ils le deviennent à leur tour, auprès d'autres fermiers. Attristé de l'absence de sa maman, Babe touche la chienne qui le prend sous son aile. Après tout, il n'est peut-être pas aussi stupide que ces abrutis de moutons qui confondent un chien et un loup. 
En dépit d'une relation laborieuse au début, Babe commence à saisir la technique du chien de berger. Alors, pourquoi ne pas devenir lui aussi un "cochon" de berger ? Idée saugrenue ? Pas si sûr, puisque Babe progresse vite, et manie l'art oratoire auprès des moutons avec maestria, au grand bonheur de ceux-ci, flattés de leur traitement. De la politesse et de la douceur peuvent faire bon ménage au sein d'un troupeau. Cela change effectivement des manières brutales et condescendantes de la chienne Ficelle...


Rempli de finesse et de délicatesse, ce récit procure un plaisir de lecture immense. Sous couvert d'une histoire assez improbable, mais qui passe comme une lettre à la poste, l'auteur invite ces jeunes lecteurs (mais aussi les grands) à la notion de tolérance. Traiter autrui avec cruauté, barbarie, insolence, sans avoir pris la peine de les connaître, rendent ceux qui agissent de la sorte tout autant stupides que ceux qu'ils maltraitent et jugent tel quel. A noter un petit bémol néanmoins concernant la fin dépourvue de surprise, cependant, ne faisons pas la fine bouche, c'est un délice à mettre entre toutes les mains. 

lundi 13 août 2012

Le tour du cadran - Leo Perutz



Auteur : Leo Perutz (Autriche)
Titre : Le tour du cadran
Réédition Bourgois
Parution : 2012 (VO, 1918)

Troisième roman, publié en 1918, d'un des plus grands maîtres de la littérature autrichienne, l'oeuvre de Leo Perutz brille tant par la finesse de l'écriture que par la qualité des intrigues. On le rapproche régulièrement du non moins louable Gustav Meyrink. "Le tour du cadran" inspira les cinéastes Murnau et Hitchcock, excusez du peu.


En vingt chapitres, Perutz nous raconte la fuite d'un fugitif (Stanislas Demba) qui a échappé à la vigilance des policiers. Il venait de se faire arrêter pour le vol de trois livres d'une bibliothèque, qu'il a revendu suite à des problèmes financiers. Menotté, le jeune homme se retrouve confronté à des situations tantôt loufoques, tantôt périlleuses. En effet, camoufler ses mains enchaînées sous un vieux pardessus ne facilite pas les choses. Rien que le fait de se nourrir devant quelqu'un s'avère impossible. Saisir des objets, serrer la main, et ainsi de suite. Trouver une solution va devenir vital puisque ce délit de fuite, venant s'ajouter au vol, lui ferait passer un sale quart d'heure...
Perutz manie élégamment sa plume tout le long du récit et parvient aisément à rendre sympathique au lecteur cet homme hors-la loi, ayant commis un délit "mineur". Les dialogues ciselés font mouches à tous les coups et l'on se demande durant combien de temps encore ce Demba va bien pouvoir duper son monde. Car il a assurément plus d'un tour dans son sac et joue habilement la comédie. Là se trouve le tour de force de l'auteur, en nous tenant en haleine sur 250p à partir d'un fait si mince.  On a peur pour lui, on s'amuse de ses pitreries, et surtout on espère qu'il va s'en tirer, ce personnage terriblement attachant.


Rondement mené, très prenant et souvent drôle, "Le tour du cadran" vous réjouira sans l'ombre d'un doute. Si vous n'avez jamais lu cet auteur, il y a fort à parier que vous souhaiterez découvrir d'autres de ses livres.
Bonne lecture !

jeudi 9 août 2012

Frankenstein - Mary Shelley



Auteur : Mary Shelley (ANG)
Titre : Frankenstein
Editions Folio junior
Paru en 1992 (VO, 1818)

Pour certains, c'est à partir de ce roman que la science-fiction moderne voit le jour, durant la première moitié du XIXè s. C'est un classique qui doit avoir une place dans toute bibliothèque, bien qu'il souffre par moments d'une perte d'intensité.

Le créateur de ce monstre semble ne pas pouvoir échapper à son destin. En effet, il découvre à ses treize ans des livres du grand occultiste Corneille Agrippa. Dans un second temps, il lit des oeuvres d'autres auteurs ésotériques que sont Paracelse et Albert le Grand. Chercher la pierre philosophale et l’élixir de vie, hante dès lors ses pensées. Il espère écarter, via la science, les maladies du corps humain. Mieux, de le rendre invulnérable. Il change plus tard d'avis à propos des sciences occultes, en les dédaignant. Mais sa destinée en décide autrement.
Le jeune homme étudie l'anatomie humaine ainsi que la décomposition d'un cadavre (sur ce sujet, nous vous recommandons l'excellent "Vers la poussière" de Bailly)... pour enfin découvrir comment animer la matière. Réunissant des os humains et des morceaux de chair, il façonne une créature. (Sur ce thème de la création d'un être artificiel (en argile), Gustav Meyrink publia en 1915 son oeuvre la plus célèbre, intitulée "Le Golem").
Cette créature, bien qu'effrayante aux yeux des humains, se fait violemment rejeter. Elle essaie néanmoins de comprendre leur mode de vie, leurs sentiments, en les observant. Elle apprend peu à peu leur langue. Rien y fait, et ce profond désamour va transformer les bonnes intentions du monstre, ce "Frankenstein", en une haine envers les autres hommes, et en particulier son créateur.
Le roman oscille entre le parcours du créateur avec les descriptions des magnifiques paysages traversés par, et les vicissitudes de la créature. L'acceptation de ce qui est étranger, d'inconnu, fait peur, l'apparence se révélant un obstacle de taille. L'auteur met aussi en évidence la dangerosité de la science et la relation poignante entre le créateur et sa création, les deux ayant un avenir lié.
A noter que la version "Folio junior" indique à partir de dix ans. Certains passages nous semblent écoeurants et d'autres trop difficiles d'accès pour eux, c'est pourquoi l'âge de douze ans paraît plus adéquate, à notre humble avis.

"Frankenstein" s'avère une entrée idéale en matière de littérature fantastique et de roman gothique, ouvrant également les portes aux sciences occultes. Chaudement recommandé, en somme !

vendredi 3 août 2012

Exodes - Jean-Marc Ligny


Auteur : Jean-Marc Ligny (FRA)
Titre : Exodes
Editions L'Atalante
Parution : 2012


Jean-Marc Ligny est un des poids lourds dans le domaine de la science-fiction et du fantastique. On lui doit une quarantaine de romans, dont "Inner City" ; "Yurlungur" et "La mort peut danser", pour citer ses oeuvres les plus connues. De plus, son dernier roman adulte, "Aqua TM", a obtenu plusieurs prix.


Les modifications climatiques sont au coeur de ce nouveau roman, un pavé qui avoisine les 540p. Les humains (ce qu'il en reste) sont scindés en deux groupes : les riches, réfugiés dans les enclaves (ces immenses dômes de plusieurs km) qui bénéficient d'une vie aisée, à l'abri du monde extérieur. Ce monde extérieur est ravagé par la sécheresse et une chaleur à suffoquer, où s'invitent des orages absolument monstrueux. La nourriture rare pousse certains individus à devenir des cannibales, ce sont les "Mangemorts". D'autres optent pour mettre le feu à ce qu'ils peuvent pour ensuite piller, histoire de semer un peu plus le chaos, si besoin en était. On les appelle les "Boutefeux". Ils ont la particularité de prendre une drogue qui annihile leur peur et leur souffrance.
Toutes sortes de maladies tropicales amoindrissent ou tuent ceux qui n'ont pas le privilège d'être acceptés dans les enclaves. Cette planète, cette chère planète Terre, s'est transformée en un véritable enfer. Les enclavés travaillent d'arrache-pied afin de la quitter, en prévoyant d'établir une colonie sur une autre planète. La recherche du gène de la longévité pour enfin acquérir le statut d'immortel fait partie des objectifs prioritaires, au milieu d'autres recherches dans les technologies de pointe.
Construit en une succession de chapitres alternant le parcours de six "histoires" amenées à se rejoindre (le hasard faisant un peu trop bien les choses, à notre avis), le lecteur a le sentiment de lire une succession de nouvelles qui ont été bricolé pour réaliser un roman. En outre, le sujet du bouleversement du climat ne brille pas par son originalité, et nous sommes donc rapidement sur notre faim. Bien que Ligny écrive avec une grande limpidité, ce thriller ne parvient guère à nous convaincre. Il réussit néanmoins à nous surprendre sur quelques personnages qui se montrent plus "humains" que ce barbarisme dans lequel ils sont engloutis, et d'autres qui se révèlent au contraire de belles crapules lorsque le masque tombe.

"Exodes" tape dans un futur possible, où le climat sera un facteur de profonds changements à l'échelle planétaire. La plausibilité du monde crédibilise son récit, cependant il pèche de par son aspect "banal", tant le réchauffement climatique nous a été dernièrement rabattu aux oreilles. Nous savons par exemple qu'à moyen terme, des guerres pour l'eau feront leurs apparitions. Au final, un roman sympathique à lire, toutefois il ne laissera probablement pas beaucoup de trace parmi nos souvenirs. Dommage.