vendredi 26 octobre 2012

Vélum - Hal Duncan


Auteur : Hal Duncan (Ecosse)
Titre : Vélum
Editions Denoel
Parution : 2008 (VO, 2005)


Premier roman d'un écossais d'une trentaine d'années, "Vélum" est la première partie d'un dyptique colossal, à tous points de vue. D'une ambition folle, ce monstrueux labyrinthe force l'admiration mais n'empêche pas une pointe d'agacement lorsqu'il égare par instants son humble lecteur, au coeur de ce maelström littéraire.


Selon les Cisterciens, le Livre de Toutes les Heures serait la version maléfique, créée par Lucifer, du Livre de la Vie. Ce grimoire diabolique renferme la totalité des noms des hommes passés, présents, et à venir. Un juif érudit affirme même que ceux qui voient ce livre deviennent fous. Ce qui n'est pas sans rappeler les propriétés d'un autre livre, "Excalibur" (censé appartenir à Ron Hubbard), qui condamne à la folie quiconque ose le parcourir.
Le monde s'est scindé en deux branches d'anges Amortels qui luttent pour la possession du trône laissé vacant par Dieu. D'un côté les Souverains, de l'autre, l'Alliance. Quelques uns refusent de s'engager dans ce conflit, mais sont pourchassés jusque dans le Vélum qui est "une sorte de miroir du monde, ou quelque chose de plus grand qui inclut le monde". De plus, la dimension spatio-temporelle de ce monde contient toutes les histoires possibles, incluant celles qui n'ont pas encore pris corps. En effet, "tout est lié comme des échos et des reflets se répercutant sur une centaine d'années." L'auteur nous transbahute à différentes époques historiques allant de la Mésopotamie (protohistoire) jusqu'au nazisme, en passant entre autre par le vendredi sanglant écossais de 1919. 
L'oeuvre baigne dans de nombreuses influences. On citera par ex. celle de Borges pour le côté labyrinthique et l'érudition divertissante, Lovecraft (à travers le "Macronomicon" de Liebkraft), le Prométhée d'Eschyle,  James Joyce pour la mythologie et la structure cyclique du récit, et pourquoi pas Piotr Ouspenski pour qui l'avenir existe déjà jusque dans ces moindres détails. 
D'un aspect pourtant rebutant en raison de sa construction difficile à saisir (on jongle constamment entre les périodes historiques), le voyage mérite de la persévérance car l'on sent que ce livre sort des sentiers battus. L'écriture nous happe très vite et ne baisse pas de qualité. Il faut cependant noter que des passages sont assez obscurs et nous laissent perplexes, mais le découragement ne doit pas vous freiner.


"Vélum" est un roman qui demande une implication totale du lecteur s'il ne veut pas se faire larguer en route. En dépit d'une certaine incompréhension épisodique, nul doute que ce récit ambitieux et complexe provoque l'enthousiasme. En cette période où le nivellement par le bas fait foison, il est réjouissant de voir ce genre d'ouvrages (encore) publiés. L'autre bonne nouvelle est que si votre porte-monnaie fait grise mine, les deux tomes sont sortis en poche. Vous n'avez donc plus aucune excuse pour ne pas vous les procurer.


vendredi 19 octobre 2012

La guerre des mondes - H.G. Wells



Auteur : Herbert George Wells (ANG)
Titre : La guerre des mondes
Réédition de 2012 dans la coll. Folio
Publication originale : 1898


Considéré comme un des pères fondateurs de la science-fiction aux côtés de Jules Verne, Wells publia à la fin du XIXè s un récit devenu un classique incontournable, évoquant l'invasion de notre belle planète par des entités extra-terrestres.


Un cylindre artificiel provenant du ciel s'est écrasé aux environs de Winchester en Angleterre. Cette "Chose" viendrait de Mars selon certains. Bientôt la Chose se dresse sur trois immenses pieds lui donnant la taille de quatre à cinq maisons empilées les unes sur les autres. De longs tentacules sortent également de cet engin métallique mouvant. Rapidement, les intentions des extra-terrestres ne laissent planer aucun doute : exterminer les humains. Pour cela, un puissant rayon ardent détruit tout et tue sans pitié. 
D'autres tripodes apparaissent, et se dirigent sur Londres...

Wells prend soin de décrire minutieusement les tripodes : leurs critères physiques, leur organisme (ils sont dépourvu de système digestif, le sommeil leur est inutile, la pesanteur et la densité atmosphérique provoquent des gênes respiratoires). Wells tacle aussi au passage l'arrogance et la vanité humaines, persuadés que nous sommes seuls dans l'univers. Toute idée d'une intelligence supérieure d'origine extra-terrestre est exclue. L'auteur met en avant une civilisation très avancée qui en massacre une autre, pour prendre son espace vital et ses ressources naturelles. Via cette parabole, Wells dénonce les ravages du colonialisme. 
Le dénouement judicieux, mais pour ma part, totalement inattendu, conclut habilement le roman. 
J'émets toutefois une petite réserve sur l'histoire à laquelle j'ai eu par moment du mal à m'accrocher, ne me sentant pas complètement immergé et concerné par les évènements.


Tout à déjà été dit sur cette oeuvre qui devrait figurer dans toutes les bibliothèques. Il en va de même pour les trois autres classiques de l'écrivain que sont "L'homme invisible", "L'île du Dr Moreau" et "La machine à explorer le temps".

dimanche 14 octobre 2012

Le joueur d'échecs - Stefan Zweig


Auteur : Stefan Zweig (Autriche)
Titre : Le joueur d'échecs
Editions Le livre de poche
Parution : 1991 (VO, 1943, à titre posthume)


"Le joueur d'échecs" paru l'année suivant la mort de Zweig,  alors qu'il était en exil au Brésil pour fuir la seconde guerre mondiale. Épuisé par le conflit et impuissant devant l'agonie du monde, il choisit de se suicider en 1942.

Cette longue nouvelle oppose deux esprits durant une partie d'échecs sur un bateau. Le premier est le champion du monde en titre, un yougoslave nommé Czentovic. C'est à 15 ans qu'il se découvre un talent inné pour les échecs. En dehors de ça, c'est un être mollasson, dépourvu de culture générale, replié sur lui-même dès que l'on veut lui tirer les vers du nez. Imbu de lui-même puisqu'il écrase tous ses rivaux, "il se croyait le personnage le plus important de l'humanité", mais "il ne soupçonne pas qu'il y a d'autres valeurs en ce monde que les échecs et l'argent, il a (par conséquent) toutes les raisons d'être enchanté de lui-même."
Il possède néanmoins une certaine forme d'intelligence, car le hasard n'a aucune place dans ce jeu profondément stratégique et tactique. En effet, Czentovic a appris "les finesses, les ruses subtiles de l'attaque et de la défense, la technique de l'anticipation, de la combinaison et de la riposte.
Face au champion du monde, un illustre inconnu (appellé M. B) va mettre à mal cette insolente domination. 
Ce M. B raconte son histoire à un passager, et la raison pour laquelle il fut intéressé par le déroulement d'une partie en cours sur le bateau (Czentovic opposé à un groupe de plusieurs joueurs moyens). Il fut emprisonné durant plusieurs mois par la Gestapo, subissant de nombreux interrogatoires. La solitude lui pesait énormément lorsqu'il eu l'habileté de dérober un livre dans la poche d'un gardien. Telle ne fut pas sa déception en constatant que ce n'était qu'un manuel d'échecs, regroupant une centaine de parties d'échecs jouées par des maîtres. Histoire de s'occuper l'esprit pour ne pas sombrer dans la folie, il se confectionne un échiquier avec son drap et façonne les pièces avec de la mie de pain. M. B joue et rejoue les exemples, jusqu'à les connaître par coeur. L'ennui réapparaît devant la routine. Il joue alors contre lui-même, ce qui est une aberration puisque le même cerveau réfléchit pour deux. Comment ne pas prévoir ce que l'autre à en tête ? C'est impossible ou de la schizophrénie. Poussé dans des réflexions infinies, le détenu plonge inéluctablement dans la folie. Une vingtaine d'années plus tard, sur le bateau, M. B voit son traumatisme resurgir, car le corps se souvient...

Cette petite pépite percutante évoque les traumatismes du nazisme (ici via la torture mentale) qui conduisent à la folie d'un individu. Le point de vue psychologique de l'ancien détenu est particulièrement poignant dans son cheminement. Un grand bouquin qui donne matière à réflexion.

vendredi 12 octobre 2012

Les trente-neuf marches - John Buchan



Auteur : John Buchan (Ecosse)
Titre : Les trente-neuf marches
Editions Le masque
Réédition de 2012 (VO, 1915)


En plus de l'écriture, John Buchan exerça le métier d'avocat, de journaliste, et travailla dans le monde de l'édition. Il entra dans les services secrets britanniques en 1916, se fit élire au parlement en 1927 puis devint gouverneur général du Canada en 1935. Sa célébrité vint de son roman "Les trente-neuf marches" (premier volet de la série Richard Hannay qui comprend cinq tomes), renforcée par l'adaptation du cinéaste Alfred Hitchcock.


Signalons d'emblée l'invraisemblance de la couverture, car si dans le film Richard Hannay se retrouve aux côtés d'une ravissante blonde, tous deux menottés l'un à l'autre, en revanche le roman ne parle aucunement de cette rencontre. A noter d'ailleurs que si le film conserve le fil sous-jacent de l'intrigue (c'est le minimum pour une adaptation^^), les péripéties du personnage sont totalement différentes, ce qui n'empêche pas leur réussite respective.

Hannay se morfond en Angleterre en ce mois de mai 1914, de retour d'un séjour en Rhodésie (devenue le Zimbabwe) où il était ingénieur. Un inconnu se présente un soir à sa porte, lui demandant de l'héberger car sa vie est menacée. Cet homme lui présente dans les grandes lignes la préparation d'un meurtre diabolique, orchestré par une organisation secrète allemande, "La Pierre-Noire", dans le but de mettre l'Europe à feu et à sang. Quelques heures plus tard, de retour à son domicile alors qu'il s'était absenté, Hannay tombe nez-à-nez avec le cadavre de son hôte, poignardé.
Il n'a d'autre choix que de fuir, puisque la police ne sera pas forcément réceptive au discours tenu par le défunt, même à l'appui d'un carnet remplit de notes. Il décide donc de poursuivre la mission, pour pimenter son quotidien. Il sait qu'un homme risque d'être assassiné durant une conférence d'ici une vingtaine de jours. 
Avant de prévenir le gouvernement, il est contraint à se cacher dans la lande, pour échapper aux agents à ses trousses. Ceux-ci sont des experts, et l'étau ne tarde pas à se resserrer...

John Buchan nous propose un récit d'espionnage aux rebondissements multiples, avec en toile de fond la menace d'une guerre imminente. C'est aussi la naissance d'un homme (Richard Hannay) habile pour mener sa barque dans les eaux tourmentées. L'art du camouflage (en laitier, en cantonnier, etc.) y joue un rôle primordiale. En effet, se fondre dans un milieu qui lui est étranger, et se mettre dans la peau d'un emploi qui l'est tout autant sont la clef de son succès. Mieux qu'imiter, il s'agit d'être tout aussi crédible afin de parfaire le simulacre. La plume de l'auteur ne brille pas particulièrement par sa richesse, mais sa limpidité nous fait passer un très bon moment.


Ce premier tome des aventures de Richard Hannay, trépidant et astucieux, donne l'envie de lire la suite avec enthousiasme. Pour cela, il faudra attendre les rééditions en poche ou vous procurer l'omnibus regroupant toute la série, si vous n'êtes pas réfractaire comme moi, aux pavés de plus de mille pages.


mercredi 3 octobre 2012

Le jour des Triffides - John Wyndham




Auteur : John Wyndham (Angleterre)
Titre : le jour des triffides
Parution : 2005 (1951 pour la VO)
Réédition chez Terre de brume


Lorsque l’on mentionne les auteurs classiques de la science-fiction, John Wyndham n’arrive pas souvent dans les premiers noms cités. Cependant, avec ce brillant roman datant du début des années 50, il occupe une place de choix dans les récits de fin du monde.


Une nuit, la Terre est arrosée par une pluie de météorites verts. Tous les habitants assistent à ce merveilleux spectacle sans se douter de ce qui les attend.  En effet, le lendemain au réveil la quasi-totalité de la population est aveugle. Les rares individus qui n’ont pas observé le phénomène sont des miraculés. C’est le cas par exemple de William Masen qui, victime d’un accident (une piqûre de triffide), se trouvait à l’hôpital avec le visage entièrement bandé.

Les triffides sont des plantes d’origine obscure (William pense à une manipulation génétique accidentelle) importés par un pilote qui apporta des semences à la compagnie Arctique et Européenne des huiles de pêche. Elles sont intrigantes de par leur aspect, mieux elles peuvent se déplacer à un rythme équivalent d’un homme qui marche. Elles sont dangereuses voire mortelles étant donné qu’elles peuvent empoisonner les humains avec une spire qu’elles utilisent comme un fouet. Pour les rendre inoffensives il faut couper leur spire. Elles se nourrissent d’insectes et de chair en état de décomposition. Elles possèdent une forme d’intelligence dans la façon de s’attaquer à leurs proies.

L’humanité privée d’un de ses sens majeurs, quasi indispensable pour survivre, tente de s’organiser dans le chaos ambiant. Des petits groupes se forment avec à leur tête ceux qui ont le luxe de voir. L’électricité est coupée à long terme et il est urgent de trouver de la nourriture.
On évoque déjà une solution de secours. Faire des enfants… massivement.



Ce roman post-apocalyptique qui évoque la survie de l’espèce humaine suite à un événement exceptionnel, la nécessité de construire une société autre, et dans une moindre mesure la confrontation entre le règne animal et le règne végétal, place « Le jour des Triffides » comme un classique dans l’histoire de la science-fiction.