mercredi 17 août 2011

Le cirque du Dr Lao - Charles Finney

Auteur : Charles Finney (USA)
Titre : Le cirque du Dr Lao
Paru en 1979 (1935 pour la VO)
Editions J'ai lu

Charles Finney ayant séjourné une partie de sa vie en Chine avant de se fixer en Arizona, il n'est donc pas surprenant de voir ce livre teinté d'orientalisme. Plus rares sont en revanche les romans qui évoquent le domaine du cirque, qui plus est sous l'angle du fantastique. L'exotisme et l'étrangeté vont s'immiscer dans le récit, pour le moins surprenant.

Dans la ville de Abalone en Arizona, la routine n'a pas de quoi réjouir la population, souvent contrainte de ne pouvoir voyager. Cela va sans dire qu'à l'annonce d'un cirque à la fête foraine, affirmant la venue de créatures étranges ou hybrides, voire de formes de vies d'outre monde, va provoquer un intérêt notoire des habitants. Trois charrettes défilent, exposant une licorne, un énorme serpent, un chien vert ou encore un ours. Ou un homme ? Pardon, il s'agit bien d'un ours. N'est-ce point un russe ? Changez vos lunettes, mon gars, c'est un ours. Bref, passons, puisqu'ils ne sont pas capables de se mettre d'accord.
Le propriétaire du cirque, l'étrange Dr Lao, présente les créatures et numéros dans un anglais impeccable. Toutefois, sa langue dérape dans un verbiage à peine compréhensible dès qu'il se met en colère.
Le clou du spectacle verra l'émergence de Satan et du dieu Yottle.


Avec l'arrivée d'un évènement exotique et peu commun - un cirque pour le moins étonnant, la vie d'une bourgade se voit chamboulée. Surviennent alors des discussions loufoques et passionnées sur ces créatures surnaturelles et fantastiques. On suit le basculement progressif de l'émerveillement vers une dimension complètement surréaliste, onirique et pour le moins effrayante, dans les toutes dernières pages. Par sa thématique originale et son sens de l'humour communicatif, l'auteur nous fait passer un bon moment. Le passage dans un monde où tout est possible est régit par un processus : l'imagination. Au lecteur, donc, de la laisser se réaliser. Bon spectacle !


dimanche 14 août 2011

Gunnm - Yukito Kishiro


Auteur : Yukito Kishiro (Japon)
Titre : Gunnm (9 tomes)
Editions Glénat
Parution VO : 1995


« Kuzutetsu, la décharge, territoire de tous les déchets de Zalem, l’utopie flottant au-dessus des nuages ». La société nous est dévoilée d’emblée avec un clivage haut/bas, dominants/dominés. Zalem apparaît toujours lointaine, inaccessible pour les êtres vivants dans la décharge et certains pensent qu’ils pourront un jour rejoindre cette cité. La décharge est peuplée de quelques rares humains et d’une majorité de cyborgs. Daisuke Ido dit le « doc » est réparateur mécanique. En se baladant dans une décharge à la recherche de pièces il va récupérer une partie du « corps » d’une jeune fille. Seule reste la partie supérieure constituée de divers éléments mécaniques et de sa tête et son cœur. Il choisit de l’appeler Gally (prénom de son défunt chat) en attendant qu’elle retrouve la mémoire. Ido lui fabrique un nouveau corps aidé par son assistant Gonzu. L’opération est une réussite.
Gally a des doutes sur la manière dont Ido se procure ses éléments mécaniques corporels et décide de le suivre. Elle va découvrir qu’il est « hunter warrior » (chasseurs de primes) en remplacement de ce qui autrefois s’appelait la police. Gally s’engage elle aussi, en catimini. Elle sera confronter à Makaku, un monstre métallique qui se nourrit de cerveaux d’animaux et d’humains. Suite à un échec amoureux elle se réfugiera dans le motorball, circuit dans une arène où des cyborgs s’affrontent pour le contrôle d’une balle.

            Le rapport au corps. Kishiro s’appuie sur Nietzsche en se demandant si « l’intelligence est influencée par l’enveloppe que l’on habite » et nous dit aussi que « l’esprit n’est qu’un jouet pour le corps ». Au cours du manga, Gally change plusieurs fois de « corps » et à chaque fois sa personnalité évolue, se modifie. On peut comparer ces changements d’enveloppe corporelle à des  rites de passage. C’est l’idée du passage d’un monde antérieur à un monde nouveau. Une phrase de Van Gennep illustre  parfaitement l’univers du manga : « pour les groupes, comme pour les individus, vivre c’est sans cesse se désagréger et se reconstituer, changer d’état et de forme, mourir et renaître ».

          Cette courte série (seulement 9 tomes), qui se prolonge dans "Gunnm last order", est indispensable pour les amateurs de science-fiction, et devrait plaire d'une manière générale au plus grand nombre. Un classique du rayon mangas à ne pas manquer !




mercredi 10 août 2011

Les jours étranges de Nostradamus - Jean-Philippe Depotte

Auteur : Jean-Philippe Depotte (FRA)
Titre : Les jours étranges de Nostradamus
Editions Denoël
Paru en 2011

Après son prometteur roman historique et ésotérique "Les démons de Paris" où l'on pouvait croiser des personnages réels (Lénine et Papus, entre autres) mêlés à de la fiction, l'auteur s'attaque avec son second livre au XVIè s, autour du célèbre astrologue Nostradamus. Le personnage principal, Philibert Sarrazin, a lui aussi existé. Il exerçait la profession de médecin et était un disciple de Ambroise Paré.

"QUAND UN ASTROLOGUE NE SE TROMPE JAMAIS, CELA DEVIENT UN SORCIER."

Amené sur Paris par un ami et collègue médecin afin de disposer d'un cadavre tout récent, Philibert Sarrazin se fait enlever par des soldats. Il doit soigner le roi Henri II, blessé par une lance, mais il ne peut le sauver. Un astrologue que toute l'Europe s'arrache, Michel de Nostredame (Nostradamus), avait prédit son décès. L'homme qui a enlevé l'infortuné médecin lui propose un contrat : se rendre en Provence dans la ville de Salon où demeure le prophète, afin de percer ses secrets. Quoi de plus normal, lorsque cet énigmatique et talentueux individu, n'est autre que votre beau-frère...


Dans un XVIè s ravagé par des heurts multiples comme les conflits religieux entre huguenots et papistes ; entre la chirurgie de Paré et la médecine des Galien/Hippocrate ;  entre la science et le prophétisme ; ou encore la sorcellerie qui vise essentiellement les femmes, accusées d'avoir pactisées avec le diable ; ajouté à cela la peste, tous ces éléments donnent matière à réflexion et permettent à l'auteur de relire l'Histoire à sa manière. L'intrigue, soutenue et passionnante, se lit avec jubilation, via une écriture très fluide et élégante.

Jean-Philippe Depotte confirme brillamment tout le bien entrevu lors de son premier livre, en proposant une oeuvre plus maîtrisée. L'auteur désirant traiter plusieurs époques de l'Histoire sous un angle différent, nul doute que s'il garde cette qualité littéraire et cette ambition sans prétention, nous n'avons pas fini d'entendre parler de lui. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.




mardi 9 août 2011

L'adieu à l'automne - S.I. Witkiewicz

Auteur : S.I. WITKIEWICZ (Pologne)
Titre : L’adieu à l’automne
Parution : 1991 (VO, 1927)



« Les 622 chutes de Bongo » fut le premier roman d’un des auteurs les plus marquants de la littérature polonaise (1910, mais publié à titre posthume). Il faudra attendre plus de quinze ans pour voir publier son seconde roman en 1927 : « L’adieu à l’automne ». Cette œuvre très dense et ambitieuse s’avère être l’une des plus abouties de l’auteur.



            Le personnage principal du roman (Athanase) est un jeune homme d’environ 28 ans, issu d’une famille modeste, pour ne pas dire pauvre. Il vit en couple avec une certaine Zosia, qu’il épousera. Cependant, il est écœuré de sa tentation de la chair pour la sulfureuse Héla – « cette monstruosité métaphysique de l’érotisme ».  Sa fascination pour Héla – bien qu’il éprouve dans le même temps un grand amour pour sa femme – va le conduire à provoquer en duel Tropoudreh (le partenaire d’Héla). Athanase sera sérieusement blessé, ce qui aura pour conséquence le rapprochement des deux rivaux.

            Ayant échappé à une mort stupide, Athanase se pose des questions d’ordre existentiel. Il mûrit aussi ses réflexions sur l’avenir de la société dans laquelle il envisage la mécanisation de l’humanité, la décadence de l’art et de la philosophie ou encore l’extinction de la religion. Si par le passé l’homme se réalisait en créant, pense-t-il, demain, il évoluera dans une société « grise et ennuyeuse ».



           
            La majorité du roman est focalisée sur la déchéance d’Athanase (la psychologie est omniprésente) et en premier lieu sur son amour ambiguë et viscéral pour Héla, la créature luciférienne. C’est avec elle qu’il aurait aimé le plus échanger sur la philosophie car celle-ci était dotée d’une intelligence impressionnante. Malgré cela, Héla se plaisait à rester en retrait. Cet amour impossible conduira à des dommages collatéraux dans les deux couples. Athanase s’empêtrera dans son non-être abyssal : « il s’adonnait à la contemplation paisible de son propre néant ».

            Héla recherchait quant-à elle sa vraie voie en matière de religion. En effet elle passa de la judaïté (pratiquante) à la judéité (abandon de sa religion) puisqu’elle s’est convertit au catholicisme puis plus tard s’est orientée vers le bouddhisme.

            En grand consommateur de substances narcotiques (Witkiewicz en a écrit un essai), il n’est pas surprenant de les voir apparaître dans le roman. Il y décrit les ravages de la drogue à travers l’un des personnages qui sombrera (Athanase en réchappe, se rendant compte des dégâts qu’elles provoquent).

                        Sur le plan politique, la Pologne est chamboulée par des révolutions successives qui débouchent sur un triste Etat nivelliste où règne « la grisaille du bien-être généralisé », peuplé d’automates désindividualisés.



            D’une manière globale ce roman s’apprécie en s’investissant pleinement dedans, bien qu’il soit d’un accès difficile. C’est très touffu, complexe et par moments, il faut bien le reconnaître, plutôt pompeux. De nombreuses références politique, philosophique sociologique, etc. parsèment le livre, dont certaines échapperont au lecteur (y compris votre serviteur), néanmoins cela n’a pas d’incidence sur la compréhension du récit. Fresque immense, « L’adieu à l’automne » se révèle une œuvre pessimiste, visionnaire, érotique, méditative, qui mérite qu’on s’y arrête.

Les disparus - K.K. Rusch


Auteur : Kristine Kathryn Rusch
Titre : Les disparus 
Editions Bragelonne
Parution : 2008




            Surtout connue en France pour sa série de fantaisie intitulée « Les Fey », c’est cette fois-ci en science-fiction que nous pouvons la découvrir avec la traduction d’un cycle de space opéra qui comprend à l’heure actuelle six tomes : Les experts récupérateurs.
            Cette américaine a également fait quelques incursions sous d’autres pseudonymes en littérature générale et en polars.


            Dans un futur indéterminé, l’espèce humaine a colonisé l’espace. Elle s’est établit sur la Lune, sur Mars et cohabite depuis une vingtaine d’années avec des aliens et ce jusque sur leur planète d’origine. Ces extraterrestres se nomment Wygnin, Rèv et autres Disty. Ils ont, en dehors de leurs caractéristiques physiques, leur propre langage, leurs coutumes et leurs lois que chaque espèce est tenue a respectés. Cet apprentissage est un processus très lent et implique nécessairement des conflits qu’ils soient voulus ou non.


            Des agences de Disparition ont vu le jour pour permettre aux personnes ayant commis un crime à l’encontre des extraterrestres de refaire leur vie et d’échapper à leur système judiciaire implacable et extrêmement sévère, qui plus est à l’égard des humains. En effet, une personne qui a enfreint la loi, même par inadvertance, sera poursuivit infiniment jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée. La condamnation peut prendre alors deux tournures :

- La première est un emprisonnement sur leur planète mère si le présumé coupable n’a pas de descendance, comprenant des activités harassantes au-delà du supportable. C’est ce que tente de fuir Ekaterina Maakestad, avocate dans son ancienne vie à San Francisco, pourchassée par les Rèv. Devenir une Disparue implique une rupture totale avec son passé afin de renaître sous une autre identité. Ekaterina, dorénavant Greta Palmer, quitte du jour au lendemain son boulot, son mari, ses amis, pour aller travailler dans une entreprise de textiles sur Mars. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Celle-ci surprend une conversation du pilote qui vient de négocier un échange avec les Rèv contre une belle somme d’argent. Elle parvient à expulser les trois membres de l’équipage dans une capsule et à foncer sur la Lune pour y trouver refuge. Rien ne s’y déroulera comme elle l’espérait et elle devient la proie du dôme Armstrong.

-  La seconde consiste en l’enlèvement de sa progéniture (le premier enfant si le condamné en a plusieurs) qui deviendra un Wygnin ou un Rèv par exemple. Cet enfant bénéficiera d’une éducation et d’un traitement identique aux enfants aliens. Avec les conséquences psychologiques que cela implique. C’est ce qui attend deux enfants retrouvés à bord d’un vaisseau sur la Lune qui menacent d’être retirés à leurs parents.

Les inspecteurs de police Miles Flint et Noëlle De Ricci sont chargés des affaires. Ils devront faire preuve de psychologie au cours de leurs négociations avec les non humains ; essayer de mettre de côté leurs sentiments et faire preuve de tact pour éviter tout incident diplomatique…


Dans ce premier tome, nous nous familiarisons avec les différents personnages, avec les lois multiculturelles et prenons conscience de la complexité de l’interaction entre les espèces. L’équilibre est très précaire. On a l’impression que la moindre offense peut déclencher les hostilités. Le lecteur reste un peu sur sa faim par rapport à la description des sociétés et des coutumes extraterrestres car l’essentiel de l’intrigue tourne autour du système judiciaire et de manière générale du droit. Ce droit qui, en plus d’être construit socialement, a pour but de punir et d’être un régulateur de la société.
Une autre petite réserve pour la notion de tolérance. Les Rèv désapprouvent les humains dotés d’augmentations physiques musculaires ou esthétiques et leurs font savoir en affichant un profond mépris. Cela me semble exagéré.


En somme, « Les disparus » est une excellente entrée en matière de ce cycle dont on espère que toute sa richesse entrevue se dévoilera un peu plus par la suite. Servi par une écriture limpide, c’est avec grand plaisir que nous suivons les enquêtes de ces deux flics prêts a jouer avec les limites de la Loi pour sauver ce qui peut encore l’être. 

Rituel du mépris - Antoine Volodine


Auteur : Antoine VOLODINE (FRA)
Titre : rituel du mépris
Editions : denoël, coll. Présence du futur
Parution : 1986



Le récit débute par un interrogatoire subit par le narrateur qui nous parle de son enfance et de son éducation par son oncle qui le menaçait avec une hache alors qu’il n’était âgé que de 3 ans. Bienvenue sur terre man.
Ensuite nous suivons le déroulement de son enfance chez un de ses oncles qui s’avère être un voleur, celui-ci lui montrant la technique à son neveu, il s’agit de passer par les toits (rien de bien original). Cet oncle ne porte guère d’intérêt au garçon qu’il traîne plus comme un boulet que comme un bon compagnon.
Volodine s’adresse directement au lecteur d’un ton résolument humoristique « pour ce qui concerne mon écriture, j’espère que l’on me pardonnera les boucles et les déliés fantastiques qui vont errer aux longs des lignes. Je ne suis pas responsable. C’est une blessure au doigt qui risque de rendre mon exposé indéchiffrable » (s’il n’y avait eu que ça, nous y reviendrons) et une remarque du même style à la fin du récit.
Un peu plus loin nous apprenons que la tante fait croire que son mari (l’oncle), le Goldzer, s’est jeté par la fenêtre. Tout le voisinage rapplique et compatit. Petit problème cependant, l’absence de cadavre. En effet, aucune trace de sang sur le sol, le Goldzer se serait volatilisé. La tante indique en douce au neveu qu’il est planqué à l’étage, humour noir quand tu nous tiens. Un autre oncle du narrateur s’engage à le retrouver, non pour des raisons amicales et encore moins familiales…
Les forets alentour de la ville sont peuplées de Morguves. Chez cette espèce, la femme est choisie dès son enfance. Leurs enfants naissent mous et gluants (un peu comme les nôtres, en moins pire)…



A la fin, on découvre avec un peu plus de détails qui est notre narrateur. Malgré la petitesse du livre (180p), je me suis profondément ennuyé. Il ne se passe rien, cela ne fait pas réfléchir non plus, l’histoire ne m’a pas plu.
Je crois que ce livre va disparaître rapidement de ma mémoire. Le plus étrange est que je n’arrive pas à le détester, il ne me fait simplement ni chaud ni froid.

Cadavres - François Barcelo


Auteur : François BARCELO (Québec)
Titre : Cadavres
Paru en 2002 dans la coll. Folio policier



            Saint-Nazaire, petite bourgade québécoise. Raymond, un looseur de première d’une trentaine d’années, tue plus ou moins accidentellement d’une balle dans la tête sa mère pendant qu’il conduit sa bagnole pourrie.  Cela ne lui fait pas plus d’effet que ça.  Il éjecte le corps de la voiture et le jette au fossé. En rentrant, il téléphone à sa sœur, Angèle, pour lui annoncer la nouvelle. Elle arrive illico presto pour entendre sa version. Elle n’est pas bouleversée puisqu’elle ne l’a pas vu depuis dix ans. Angèle veut voir le cadavre, histoire de la voir une dernière fois. Ils partent donc récupérer le corps mais pensant tomber sur celui de leur maman, ils découvrent celui d’un motard. Pas de trace de leur mère. Ils en viennent à douter de sa mort.

            Par ailleurs, les frère et soeur ne connaissent pas la véritable identité de leur père. Leur mère affirmait que c’était l’un de sa dizaine d’amants. Ils sont eux aussi en disgrâce depuis pas mal d’années. Angèle jouait dans une série B policière ayant pour slogan le fameux trois « s » : sexe, sang, seins. Problème, son contrat ne sera pas renouvelé par la direction, son amant l’a largué avant le réveillon, en somme elle est dans le même pétrin que Raymond. Sauf que lui, c’est sa ligne directrice.

            Raymond décide le lendemain de récupérer le cadavre du motard pour l’enterrer dans la cave. Il sera enterré au côté d’un autre squelette dont il ignore  l’identité. Un couple de vendeurs de tapis a assisté à la scène en passant en camion devant sa voiture lorsqu’il chargeait le corps. Il a fait semblant de lui parler mais la ruse n’a pas marché puisque peu de temps après. Ding dong. On sonne. Enfin, on sonne façon de parler puisque la sonnette ne marche pas depuis deux ans. Ceux-ci veulent procéder à un échange. Raymond essaie bien de faire celui qui n’est pas au courant mais ça ne dure pas. Il va donc déterrer le motard et le couple le remporter pour les funérailles et aussi la drogue qu’il avait sur lui. Comme convenu, ils lui remettent un cadavre enroulé dans un tapis et se barrent. Angèle le déroule et croit voir sa mère, elle en est certaine. Raymond profite de la situation mais sait parfaitement que ce n’est pas elle, car elle n’a pas de trou à la tête. La supercherie sera écourtée par deux individus à la recherche du couple de camionneurs au courant qu’ils avaient un cadavre, en l’occurrence la fille, elle s’appelait Nicole…



            Ce roman est un « cadavre » exquis. Le personnage de Raymond est farfelu, un brin attardé, psychopathe, il me fait penser aux deux tueurs dans l’excellent film des frères Coen, « Fargo ». Si vous avez aimé ce film, ça devrait vous plaire. Les situations sont ubuesques. Il est dommage que ce ne soit pas mieux écrit. En effet, Barcelo a une plume peu élégante, maladroite par moments, toutefois le récit palpitant fait que ce défaut passe au second plan. Un bon polar à découvrir.   

samedi 6 août 2011

Les nouveaux nouveaux mystères de Paris - Cécile Vargaftig

Auteur : Cécile Vargaftig (FRA)
Titre : Les nouveaux nouveaux mystères de Paris
Parution : Au diable vauvert
Année : 2011

Après les Zola, Féval, Malet, "Les mystères de Paris" de Sue inspire Vargaftig. Elle reprend un de ses personnages fétiches et fictifs - Frédérique - employée dans des romans précédents. Le texte oscille entre des expérimentations littéraires et les vicissitudes de la femme, un brin trop nombrilistes pour parvenir à nous intéresser pleinement.


En treize chapitres, Vargaftig nous fait vivre les aventures de Frédérique - bisexuelle sur le déclin du haut de ses 37 ans - qui galère de plus en plus pour obtenir les faveurs de jeunes demoiselles. Elle se permet des voyages dans le temps, en particulier un chapitre sur un sujet épineux et poignant lorsqu'elle débarque au camp de Ravensbruck au côté d'une certaine Germaine Tillion. Les interrogations existentielles du personnage ne sont pas en soi trépidantes (je dirais même que c'est souvent futile et sans intérêt). Là où le texte prend un tournent plus intrigant et pétillant, c'est durant les interventions de l'auteure au coeur du récit, lorsqu'elle s'adresse au lecteur quand elle indique les modifications qu'elle a effectuées, ses doutes sur l'écriture, le classement de son livre en librairie (ou bibliothèque), mais aussi quand son personnage lui-même (Frédérique) évoque ou interpelle Cécile (l'auteure). Ces passages sont plutôt croustillants.


A l'instar de ce roman débridé, le lecteur se lance sur des chemins "pleins de carrefours, de dangers, de fausses pistes, et de merveilleux imprévus". Avec les réserves émises ci-dessus à l'encontre du caractère égocentrique du personnage, ces "nouveaux nouveaux mystères de Paris" se lisent sans déplaisir, cependant on ne peut s'empêcher d'éprouver une pointe d'agacement.

vendredi 5 août 2011

Salem - Stephen King

Auteur : Stephen King (USA)
Titre : Salem
Parution : 1975 (VO)
Réédition LGF : 2009

Deuxième roman publié de Stephen King après Carrie, Salem se veut volontiers un pastiche du Dracula de Bram Stoker. Cette version a été augmentée de passages coupés que l'auteur voulait rajouter, ainsi que des nouvelles.

Une bourgade à 30 bornes au nord de Portland dans le Maine a vu bon nombre de ses habitants la déserter. Ceux qui y ont vécu refusent d'évoquer leur départ. Le nom de cette ville ? Jérusalem'Lot ou encore... Salem.
Ben Mears, écrivain, retourne à Salem pour rédiger son roman et surmonter ses vieux démons. En effet, dans sa jeunesse, il a découvert un pendu dans la sinistre demeure appelée Marsten House. Et ce macchabée a ouvert les yeux. Hallucination suite au stress ? Peut-être. Sauf que sur une période de dix ans, quatre enfants ont disparu. Inhabitée durant une vingtaine d'années, plus rien de notable ne fut signalé.

Un commerçant en import-export et son associé ont ouverts tout récemment une boutique à Salem. Ils ont également acheté Marsten House. Coïncidence ou simple hasard, peu de temps après l'arrivée des étrangers, un chien est retrouvé désossé sur un pic devant le cimetière... avant qu'un enfant disparaisse en forêt, pendant que son frère, choqué et présent lors de sa disparition, ne succombe à l'hôpital de façon troublante. Aux yeux de certains anciens, ces évènements sont trop flagrants pour ne pas établir un lien avec le passé de Marsten House. L'angoisse saisit alors lentement et inexorablement les habitants...



Stephen King tisse une toile mystérieuse et inquiétante d'une ville confrontée à l'indicible. Qui pourrait croire de telles sornettes ? Narrer les faits à la police serait interprété au mieux par le rire, au pire par un petit séjour chez les zinzins. L'intrigue se met en place lentement, avec quelques passages surprenants, mais globalement on connaît la destination. Ici, ce n'est pas tant l'arrivée qui incombe, mais plutôt la route l'y conduisant. Peut-être un poil trop long, cependant "Salem" est une lecture de choix au milieu de la déferlante vampirique qui envahit nos rayons.

mercredi 3 août 2011

Anthropologie de la douleur - David Le Breton

Auteur : David LE BRETON 
Titre : anthropologie de la douleur 
Edition : Métailié 
Parution : 2006, première édition 1995 


Introduction 

L’appréhension de la douleur est unique. Elle varie en fonction de l’époque, du pays, de la culture, de l’éducation de l’individu. Elle est intime donc mais elle est aussi imprégnée de social et de relationnel. Le rapport au monde de l’individu et son expérience à son égard conditionne ses affects vis-à-vis de la douleur. 
L’auteur a tenté de saisir la construction sociale et culturelle de la douleur, au-delà de la dimension biologique et comprendre la signification qu’il lui donne. 


Expériences de la douleur 

Dans la vie de tous les jours, l’homme est constamment pris dans la routine (ritualités sociales et répétition des situations proches les unes des autres), n’ayant pas de pépins physiques. Dès lors qu’une douleur surgit, celle-ci lui rappelle son enracinement physique et la fragilité de son corps. La douleur induit un renoncement partiel à soi allant jusqu’à un désintérêt de la vie quand la souffrance persiste. En temps normal, l’individu se doit de garder la face, mais ce mal lui fait opter pour des comportements autres comme des pleurs, des plaintes, des grimaces, etc. La douleur paralyse l’activité de la pensée, elle pèse également sur le jeu du désir. Le souffrant envie ceux que la douleur épargne. Selon l’auteur, la douleur aiguise le sentiment de solitude, elle contraint l’individu à une relation privilégiée avec sa peine. L’homme qui souffre se retire en soi et s’éloigne du monde. 
Le malade se sent inutile lorsqu’il est dépendant d’autrui et plus encore lorsqu’il sent une gène ou une indifférence de l’équipe soignante. Il a le sentiment d’être un poids. Si la douleur est omniprésente, intolérable et condamnée à subsister, l’envie de mourir du patient va s’intensifier. Soit il va se suicider, soit il refusera de prendre ses médicaments, dans le cas où aucun espoir n’est possible, le seul recours sera l’euthanasie. 


Aspects anthropologiques de la douleur

La douleur n’est pas un fait physiologique, mais un fait d’existence. Ce n’est pas le corps qui souffre mais l’individu en son entier. 
Certaines personnes recherchent la douleur comme par exemple les masochistes qui sont en quête d’une jouissance incluant la mise en danger de l’intégrité physique (fouets, scarifications, coups…). Elles éprouvent du plaisir par identification aux tortures infligées aux autres. D’autres ne ressentent aucune douleur et demeure souriant ou impassible aux blessures. C’est dû au non investissement, à une relation d’extériorité avec leurs sentiments et leur corps. Elles s’automutilent, s’enfoncent des objets dans les yeux, parfois par curiosité devant cette asymbolie à la douleur. 
Le corps est avant tout une structure symbolique. 


La construction sociale de la douleur 

Une douleur identifiée à une cause, à une signification, est plus supportable qu’une douleur restée dans le non-sens, non diagnostiquée, non comprise par l’acteur. En effet, comprendre le sens de sa peine est une autre manière de comprendre le sens de sa vie. Toutes les sociétés humaines, nous dit Le Breton, intègrent la douleur dans leur vision du monde en lui conférant un sens, voire une valeur. 
La douleur n’est pas en proportion de la gravité de la lésion. Le mal est parfois indolore, comme par exemple une atteinte au cerveau. Les conséquences peuvent être bien pires qu’une chute en vélo par exemple (même si elle peut aussi être mortelle). 


La douleur infligée 

La torture, souvent usitée pour obtenir des renseignements politiques, n’a de bornes que l’imagination des tortionnaires. Elle vise à briser le sentiment d’identité de la victime. En l’humiliant, en la traitant comme un vulgaire objet, on la déshumanise. Elle devient in-humaine, et par-là même condamnée au néant par ses bourreaux. 
Les torturés qui en réchappent ont des séquelles souvent à vie. Le traumatisme est ancrée dans la mémoire et dans le corps, en effet celui-ci se souvient. Certains sons, les contacts corporels, la vue du sang sont difficilement supportables pour le supplicié lui rappelant les conditions de sa détention. Dépression, ulcères gastriques, insomnies, maux de tête, autant de blessures qui coupent le désir de vivre. 
Pour la torture et de manière globale pour toute personne souffrante, c’est par la parole attentive, l’écoute, le contact physique, la douceur, que se restaure progressivement le goût de vivre. Soigner, c’est d’abord prendre soin. Aux yeux de l’auteur, le soulagement efficace de la douleur, parce qu’il implique simultanément une action sur la souffrance, sollicite une médecine centrée sur la personne et pas seulement sur des paramètres biologiques.