jeudi 30 juin 2011

95 poèmes - Edward Estlin Cummings

Titre : 95 poèmes
Auteur : E. E. Cummings
Parution en poche dans la coll. Points en 2006 (recueil composé en 1958 en VO)


Né en 1894 à Cambridge dans le Massachusetts, Cummings écrit ses premiers poèmes à l'âge de dix ans. Il fait des études classiques avant de rejoindre la France en 1917 en temps qu'ambulancier. Emprisonné durant trois mois - accusé d'être un dangereux pacifiste - suite à la rédaction de lettres sur le moral dans les chaussettes des poilus. Cette expérience débouche sur le récit "L'énorme chambrée" publié en 1922 qui lui vaut un succès d'estime. Le poète vit à Paris - ville paradisiaque à ses yeux - entre 1921 et 1923. Il y reviendra à plusieurs reprises. En 1931, Cummings part en URSS où il rédige un livre bouillonnant sur le décervelage stalinien, "Eimi", qu'il sort deux ans plus tard. Vers la fin de sa vie, il fait des lectures très convoitées par le public, à l'université de Harvard. A partir de 1953, l'auteur consacre sa vie aux voyages et aux conférences, se reposant l'été dans sa résidence à Silver Lake dans le New Hampshire. Il nous quitte en 1962, atteint d'une attaque, à l'âge de 67 ans.

Les poèmes de ce recueil déroutent par leur étrangeté syntaxique, mots coupés, ponctuation bouleversée, construction éclatée. Certains d'entre eux demandent une grande attention pour les saisir. N'ayant pas de connaissances solides en poésie, il m'est difficile de vous en dire davantage. Je vous invite en revanche fortement à vous procurer ce livre qui, en temps qu'expérience littéraire, s'avère mémorable.

Extraits choisis :

im(abe)mo

bi
l(ille)e
es(sur
l)tu(a
seule)

endo(rose)rmie

-------------------------------------------------------------------

Magnifique

est l'in
signif
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des(sil

encieux)floc

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dimanche 26 juin 2011

Grandville, mon amour - Bryan Talbot

Auteur : Bryan Talbot
Titre : Grandville, mon amour
Editions Milady : 2011 (VO, 2010)


"Grandville mon amour" est le successeur de "Grandville", un comics de Bryan Talbot. "Grandville, bête noire" conclura la trilogie.


Au XIXè s. la France accorde à contre coeur l'indépendance à l'Angleterre, suite à une vague de désobéissance civile et d'attentats anarchistes. Quant à la France, elle est gouvernée par le conseil révolutionnaire.
On retrouve l'inspecteur LeBrock de Scotland Yard, aux prises avec un fou furieux psychotique dénommé Mastock. Sur le point d'être guillotiné, il parvient à prendre la fuite grâce à des complicités internes (toutes rapidement éliminées). Condamné pour plusieurs meurtres immondes de catins, il ne tarde pas à remettre le couvert...



Le scénario, à double niveaux (l'intrigue policière et la conspiration politique), est d'excellente facture. Le graphisme moins réussi avec son côté "ça pique les yeux" passe, cependant il souffre de la comparaison avec la série somptueuse "Blacksad". Les personnages sont aussi anthropomorphes. L'esthétique employée se caractérise par son côté rétro-futuriste (époque victorienne, robots, dirigeables) en s'appuyant sur le caricaturiste Grandville et l'illustrateur Robida. Nous attendons la suite avec un oeil attentif et vous invitons à découvrir cette série qui mérite le détour.

Ranpo Edogawa - La proie et l'ombre

Auteur : Ranpo Edogawa (Japon)
Titre : La proie et l'ombre
Parution : 1994 aux éditions Picquier poche (VO, 1925)

Considéré comme le maître fondateur de la littérature policière japonaise, l'auteur nous propose dans "La proie et l'ombre" une intrigue ingénieuse, aux tournures labyrinthiques.

"LES AUTEURS DE ROMANS POLICIERS SONT TOUS DES MONSTRES. NOTRE QUÊTE DU BIZARRE DEVIENT UNE OBSESSION ET NOUS NE RECULONS DEVANT AUCUNE EXTREMITE."


Le narrateur (Edogawa en personne) écrit des romans policiers. Il met en avant dans ses textes les déductions scientifiques de l'enquêteur. Lors d'une de ses nombreuses ballades dans les musées, il rencontre une lectrice qui apprécie son oeuvre. Ceux-ci se croisent de temps à autre et petit à petit leur relation s'intensifie. Le narrateur finit par s'éprendre d'elle. Tout bascule lorsque son interlocutrice lui fait part de son angoisse vis-à-vis de son amour d'enfance. Elle l'avait quitter, mais celui-ci la harcelait. Contrainte de déménager en raison des soucis professionnels de son père, elle pensait s'en être débarrassé.
Quelques années plus tard, son passé la rattrape. En effet, elle reçoit des lettres de menaces de mort, contenant des descriptions minutieuses de ses faits et gestes à son domicile. Dans la foulée, l'homme assassine son mari. Derrière le pseudonyme d'un écrivain célèbre de romans policiers se dissimule l'identité du pervers. Le narrateur accepte de se lancer à sa recherche, en s'appuyant sur sa technique de raisonnement (la déduction scientifique) tout en analysant l'oeuvre du présumé coupable, espérant trouver une faille dans ses agissements...

"La proie et l'ombre", véritable roman à tiroirs, désarçonne le lecteur embarqué dans les pensées du narrateur. Confiant en sa méthode de travail, il ne se méfie pas des éventuels chausse-trappes de l'assassin. Nous suivons la palpitante enquête, devenant progressivement sinueuse, dans une atmosphère envoûtante et hypnotique. Du polar de haute volée, à dévorer sans modération.

mercredi 22 juin 2011

Locus solus - Raymond Roussel

Titre : Locus solus
Auteur : Raymond Roussel
Editions Garnier Flammarion
Première parution : 1914

La présence de la mort dans "Locus solus" témoigne d'un épisode douloureux dans la vie de Raymond Roussel. A savoir la perte de sa mère, avec qui il était très proche, et l'a profondément affecté. Mais s'il est question de mort, celle-ci se tourne surtout en grotesque, l'auteur ne croyant pas à l'immortalité.

"Locus solus" indique le nom de la propriété de Martial Cantarel, dans laquelle se trouvent plusieurs laboratoires où il entreprend ses travaux scientifiques. Très fortuné, la fantaisie de l'homme peut s'épanouir sans limites. On y trouve une collection de dents humaines aux couleurs diverses, un immense récipient rempli d'eau avec à l'intérieur une femme dotée d'une chevelure musicale : "au moindre mouvement, chaque cheveu, entouré d'une sorte de mince fourreau aqueux, vibrait sous le frottement des nappes fluides". Elle peut respirer sous l'eau via une oxygénation spécifique (laquelle ?).
De plus, Cantarel est fasciné par la révolution française et les hommes-têtes. Rien de surprenant à découvrir qu'il possède la tête de Danton : "On eût dit que la vie animait de nouveau ce résidu de faciès tout à l'heure immobile. Certains muscles semblaient faire tourner en tous sens les yeux absents, tandis que d'autres s'ébranlaient périodiquement comme pour lever, abaisser, crisper ou détendre la région sourcilière frontale ; mais ceux des lèvres surtout remuaient avec une agilité folle tenant sans nul doute aux prodigieuses facultés oratoires possédées jadis par Danton". Cantarel s'amusa aussi à électriser le cerveau de Danton et "à sa vive joie, il obtint quelques imperceptibles sursauts dans les nerfs qui mouvaient jadis la lèvre inférieure". Mais ce n'était ni plus ni moins qu'une résurrection artificielle...

On le voit, Cantarel expérimente sur des choses très variées (je n'ai pas mentionné la course d’hippocampes, entre autres), allant volontiers dans le morbide, ou dans des tentatives totalement inutiles, sinon de laisser libre cours à son excentricité. Alors certes, certains passages sont divertissants, la construction du récit originale, mais globalement c'est pompeux, j'irai même jusqu'à dire que je me suis ennuyé. Le dossier nous apprend beaucoup de choses sur cette oeuvre non dénuée de qualités, mais pour ma part, elle m'a laissé sur le bord de la route.

mardi 21 juin 2011

L'île du sommeil - Fabrice Colin

Titre : L'île du sommeil
Auteur : Fabrice Colin
Editions Castor poche, 2011 (première édition en 2003)

"L'île du sommeil" est un roman qui s'adresse aux jeunes lecteurs à partir de 9 ans, mais qui peut tout autant être lu par des adultes ayant gardés leur âme d'enfant, comme votre humble serviteur. Le livre a une relation étroite avec la mort, mais avant tout se veut un très bel hymne à la vie.

Un garçon de 11 ans est plongé dans le coma suite à un accident de vélo lors d'une course avec ses amis. Les freins ne répondant plus, il put éviter le camion mais pas le vol plané suivant. Sa tête heurta quelque chose avant qu'il ne sombre dans le néant. Le petit homme se "réveille" dans un monde avoisinant le sien, à cela près que l'environnement diffère légèrement et qu'il a de drôles d'amis : un épouvantail, une fée, un homme-loup et le grand cerf (qui n'est autre que l'Esprit de la forêt). Ce dernier l'informe qu'il se trouve à Noctance, le pays du sommeil. Le garçon peut voir son corps à l'hôpital et ses proches très affectés, en particulier son grand-père, qui culpabilise pour le contrôle des freins du vélo).
De plus, dans le monde onirique, l'inquiétude s'immisce auprès de ses nouveaux compagnons. En effet, Frère Ocre (le seul à savoir comment quitter le pays du sommeil) vient d'être enlevé par l'affreux docteur Mortès et ses maléfiques oiseaux noirs, tous réfugiés dans son repaire, le Mont Terrible. Tous s'engagent à faire leur possible pour délivrer le frère, élément indispensable pour la suite des évènements concernant leur hôte de passage. C'est le début de trépidantes aventures parmi la forêt des soupirs, une rencontre mémorable avec le colérique capitaine des pirates ou encore l'énigmatique Jeune Homme Triste...


Le public visé étant plus jeune, le propos peut sembler plus léger. Il est donc nécessaire d'en tenir rigueur. Bien qu'inférieur aux autres oeuvres de l'auteur, le livre se parcourt néanmoins avec grand plaisir grâce à la plume de Colin, toujours très juste et fine. Le récit se veut aussi optimiste, en donnant goût à la vie, qui vaut la peine d'être vécue, chaque expérience étant unique. Il invite ses jeunes (et moins jeunes) lecteurs à croquer la vie à pleine dent, afin de n'avoir aucun regret. Nous vous suggérons par ailleurs les romans publiés aux éditions "Mango jeunesse", excellentes portes d'accès pour vous familiariser avec son auteur.

lundi 20 juin 2011

Panorama de l'enfer - Hideshi Hino

Titre : Panorama de l'enfer
Auteur : Hideshi Hino
Paru aux éditions IMHO (VO, 2000)


GEMISSEZ ! CRIEZ ! SOUFFREZ ! ENCORE !

Un peintre anonyme un brin fêlé du casque, "fasciné par l'odeur suffocante et la beauté maléfique du sang", s'auto-mutile pour peindre ses toiles de l'enfer. Né difforme, il était rejeté par certains membres de sa famille. Il se faisait fréquemment battre par son père et par d'autres enfants. Son frère venait alors à son secours et se faisait à son tour démonter. Enfant, le fils du "démon" s'adonnait à la torture des animaux : ah l'innocente imagination ! Plus tard, il se marie à une femme ravissante, aux traits très sensuels, qui tient une auberge dans laquelle des zombies décapités viennent manger certaines parties de leur corps (qui ont la bonne idée de repousser le lendemain, sans quoi cela deviendrait vite problématique^^). Elle entaille la chair en bas du cou pour leur offrir une nouvelle bouche.
L'auteur s'autorise un clin d'oeil puisque la fille de l'artiste dément lit des mangas d'"un auteur malsain, un certain Hideshi Hino".
Le graphisme sordide et profondément horrifique met par moments mal à l'aise. C'est écoeurant. Les crânes difformes aux yeux globuleux n'ont déjà plus grand chose à voir avec un être humain.

"Panorama de l'enfer" propose une vision particulièrement malsaine du monde, entre souffrances à l'échelle familiale et le traumatisme de la bombe atomique. Un manga horrifique à ne pas mettre entre toutes les mains. Une chose est sûre, après avoir terminé ce livre, vous n'en ressortirez pas indemne.

mercredi 8 juin 2011

La voix du feu - Alan Moore

Auteur : Alan Moore
Titre : La voix du feu
Paru en 2008 aux éditions Calmann-Levy

Scénariste de génie des Watchmen, From hell, Promethea, V pour Vendetta et j’en passe, La voix du feu tient plus du recueil de nouvelles que d’un roman.


" Le monde est fait dans le feu, qui est par cela supérieur, et se termine dans le feu ".



Le cochon de Hob (4000 av J-C)

Suite au décès de sa mère, un simple d’esprit se voit rejeté par son clan. On le maltraite et le caillasse. Contraint de se débrouiller seul, apeuré, il trouve en une jeune " femme " assistance. Celle-ci soigne sa jambe blessée, le nourrit et éveillera sa sexualité. 

Ce récit expérimental est une véritable prouesse. L’auteur se met dans la peau d’un homme préhistorique, qui plus est attardé. Le vocabulaire est limité et la structure des phrases déroutante. Ce qui pose un problème évident de lecture. Une torture mentale, diront certains. La chute de ce texte est terrifiante.


Les champs de crémation (2500 av J-C)

Une femme doit se rendre au Vït-lage auprès de son père à la veille de la mort, afin de lui transmettre son savoir et ses biens. Pourtant le père l’avait abandonné au profit de son frère, qui fut à son tour rejeté. 

Un très beau texte original qui prend pour cadre la transmission d’une génération à une autre et la description du rite du village qu’est la nuit du cochon. 


Dans les terres inondées (43 ap J-C)

Un homme qui se déplace sur des échasses va pêcher pour nourrir sa famille. A son retour, tout son village a disparu. Pas l’ombre d’une trace. 

Récit cauchemardesque et intrigant avec une fin aussi déroutante qu’inattendue. Les interrogations du lecteur trouveront des réponses dans les nouvelles suivantes. 


La tête de Dioclétien (290 ap J-C)

Un romain constate l’affaiblissement de son empire lors de la pesée de la monnaie.

Un texte un peu fade qui manque d’épaisseur. Peut-être le moins bon.


Les saints de Novembre (1064 ap J-C)

Dans un couvent, une femme âgée est perturbée par des pensées malsaines. Elle demande qu’on la flagelle pour se purifier. Son frère qui devait faire un pèlerinage à Rome revient changé. Celui raconte son périple. Un ange ou une étrange créature l’a empêché de s’y rendre…

Encore une belle nouvelle au rythme palpitant qui lorgne du côté de l’horrifique.


En boîtant vers Jérusalem (1100 ap J-C)

Un vieillard boiteux au comportement infecte est de retour des croisades. Il fait bâtir une église et persiste a conserver un pilier doté d’un motif blasphématoire – un dragon diabolique – au grand désarroi du peuple. Des fragments de son périple refont surface.

Un texte poignant sur un homme sans doute ravagé par la guerre à tous les niveaux qui entraîne dans son sillage ses proches terrorisés vers les abîmes de l’âme.


Confessions d’un masque (1607 ap J-C)
Un martyr est cloué à la porte Nord d’une ville depuis maintenant deux ans pour avoir crier en public : " à bas le roi ". Il sera rejoint par un compagnon d’infortune.

Bien qu’étant fort drôle, le lecteur rit jaune à cette situation tragique qui reflète l’inhumanité dans toute sa splendeur. 


Le langage des anges (1618 ap J-C) 

On suit l’itinéraire d’un juge qui se rend à Kendal pour présider un procès. Son fils s’intéressait de près à l’alchimie, ce qui l’amena a rencontré un certain John Dee, qui avait la capacité de retranscrire les messages des anges. En chemin, le juge fait la connaissance de la veuve Deene et de sa fille Eleanor. Non indifférent au charme de la veuve, il se propose de leurs rendre visite à leur domicile. Il ne sera pas déçu du voyage. 

Ce texte est de bonne facture mais laisse quelque peu sur sa faim. C’est au moment où cela devenait le plus excitant qu’il opte pour la supposition et clôt le tout. Même si l’issue ne laisse planer aucun doute, on aurait aimé avoir plus de détails. 



Pour conclure

Le fils conducteur de ces douze textes est sa ville de Northampton d’une part et le feu d’autre part. On obtient des réponses à nos interrogations à propos d’un texte dans le ou les nouvelle(s) suivantes souvent en une phrase, d’où l’intérêt de ne pas zapper des paragraphes. 
Je ne saurai que recommander les romans de Gustav Meyrink, auteur qui excella dans le domaine de l’ésotérisme et qui sera un parfait prolongement si vous avez appréciés les textes concernés par le sujet. Excepté la première nouvelle qui en découragera assurément plus d’un, l’ensemble prouve, si besoin est, qu'Alan Moore ne brille pas uniquement en tant que scénariste.

Journée d'un opritchnik - Vladimir Sorokine

Auteur : Vladimir Sorokine
Titre : Journée d'un opritchnik
Paru aux éditions de l'Olivier en 2008

Dans une Russie futuriste (2028), nous suivons la journée d’un opritchnik dans les moindres détails. En partant des habitudes alimentaires, la toilette, les prières jusqu’aux diverses missions que doivent accomplir les membres de l’opritchnina. C’est une institution créée par le tsar Ivan le Terrible entre 1565 et 1572 dont le territoire était contrôlé par lui-même et sur lequel il installait des membres de la garde et de la police. 

Les opritchniks sont commandés par le Patron, lui-même aux ordres du Souverain. Ils doivent éliminés les ennemis de la « Sainte Russie ». Tortures, viols des femmes, meurtres et appropriation des biens des victimes sont de vigueur avec pour slogan : « Parole et devoir ». 

La censure est présente notamment avec le contrôle des médias et la suppression de certains livres afin de «garder l’esprit froid et le cœur pur ». 

Tout est rapporté au christianisme. Le Patron et les opritchniks louent Dieu. On évoque la Sainte Russie, on écoute la Radio Sainte Russie. Le Patron va mettre en place ce qu’il appelle La chenille : les opritchniks se positionnent à la queue leu leu et copulent, les plus jeunes placés derrière le patron : « Cette règle est judicieuse pour deux raisons : premièrement, les jeunes se font une place au sein de notre hiérarchie, deuxièmement le mouvement de la semence se transmet de la queue de la chenille vers sa tête, ce qui symbolise le cycle éternel de la vie et le renouvellement de notre fraternité. D’une part, les jeunes respectent les plus anciens, de l’autre, ils les nourrissent. C’est sur ces principes que nous tenons. Et loué soit Dieu ! ». 



Une poignée d’individus instaurent un climat de terreur en Russie, faisant régner l’ordre par des bains de sang au nom de Dieu. Pour le bien de la Patrie. Un sentiment mitigé me traverse en fermant ce bouquin. D’un côté on est apeuré par l’image véhiculée par ce pays selon l’auteur, d’un autre côté on serait tenté de dire : rien de neuf sous le soleil. Ce livre doit assurément faire grincer des dents en Russie (certains ouvrages de Sorokiney sont interdits) en revanche de notre point de vue, on apprend pas grand-chose, bien que cela soit effrayant. Hormis les nouvelles technologies, on retrouve des similitudes avec les événements survenues cinq siècle plus tôt sous la prise de Ivan Le Terrible.

Aztechs - Lucius Shepard

Auteur : Lucius Shepard
Titre : Aztechs
Paru en 2006 aux éditions du Bélial

Des commentaires élogieux à propos de l’œuvre de Shepard m’ont incité à faire connaissance avec sa plume. Grand bien m’en a pris. Ce recueil comprend six textes parus entre 1999 et 2003.


Aztechs

El rayo, la fameuse frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, est la zone géographique de ce premier texte. On y parle émigration forcément. Des organisations criminelles mexicaines sont en guerre pendant que des I.A signent des contrats avec des multinationales de par le monde. Eddie, à la tête d’une agence de sécurité, engage un garde du corps pour protéger un représentant Aztechs lors d’une négociation. Le garde du corps, qui n’a plus que l’apparence d’un humain, l’a manipulé. Quelles sont ses ambitions ?

Un bon texte, suffisamment flou pour désorienter le lecteur et maintenir le suspense de bout en bout.


La présence

Peut-être le moins bon texte, bien que je l’ai trouvé très émouvant. 
Un homme travaille dans le Ground zéro – les décombres de l’attentat du 11 septembre. Tous les jours il se rend avec ses deux collègues dans un bar pour la pause du midi. Là il fera la connaissance d’une femme qui y est présente quotidiennement.

Les deux personnages expriment leur mal-être, se questionnent sur leur propre existence (ou plutôt devraient-on dire leur non existence), dans une relation ambiguë. Fatalisme ? Absurdité de la vie ? Besoin de se raccrocher à du concret ? L’auteur s’appuie sur les affects tout en subtilité à défaut d’une idée originale. Possible que cette nouvelle en indiffère quelques uns.


Le dernier testament

Au XXème siècle, David se voit habité par une âme, et pas n’import laquelle. Celle du poète François Villon. Des personnes de l’entourage de David sont elles aussi atteintes par des âmes proches du poète. Une certaine Amorise affirme que c’est elle qui les a fait ressurgir du XVème siècle pour un rituel destiné à assurer leur continuation. David met la main sur un ouvrage d’occultisme de Novallis qui aborde la Renaissance et l’accomplissement d’un Acte Sublime. David est sensé écrire le Texte.

Encore un récit intéressant basé sur la magie et l’ésotérisme avec une fin qui laisse planer le doute.


Ariel


Dick Cyrus, professeur d’histoire dans une université du Michigan, émet l’hypothèse selon laquelle il existe des univers anthropiques. Ce pourrait être le cas de la femme qui a fait explosé le laboratoire de son ami Rahul Osauri, le tuant ainsi que ses collaborateurs. Selon lui, ces êtres ont, en arrivant dans un autre univers, une altération de leur structure biologique ( ils dégagent une odeur nauséabonde, sont très grands et athlétiques et ont de grands doigts) qui tend progressivement à se normaliser (redevenir humain) avec le temps. Dick part à la recherche de la femme-Saule, afin d’éclairer sa lanterne.

Du très bon encore une fois, avec une intrigue aux rebondissements multiples.


Le rocher aux crocodiles

Michael qui vit en Côte d’Ivoire, est appelé par un collègue de longue date en République démocratique du Congo pour étudier un suspect pour le moins inquiétant, voire fascinant. Des habitants ont aperçus des hybrides hommes-crocodiles tuer et dévorer des humains. Ce qui tombe bien puisque Michael est un spécialiste des reptiles. Les criminels - revenus à leur état normal – sont appréhendés. Ils nient tous en bloc sauf un. Michael n’est pas pleinement convaincu d’avoir affaire à un charlatan. 

Sorcellerie ? Envoûtement ? Vaste supercherie ? Un texte angoissant qui confine avec la folie.


L’éternité et après

Dans une boîte de nuit tenue par la mafia à Moscou, Chemayev projette de s’exiler aux Etats-Unis avec une prostituée de la maison. Mais auparavant il doit rencontrer le boss, un certain Iouri Lebedev, que très peu de personnes ont vu. 

Univers fantasmagorique, hallucinations, manipulations, un texte d’une grande force qui marque les esprits.



A noter que ce recueil riche et diversifié a obtenu le grand prix de l’imaginaire 2007. Une récompense amplement méritée. 

Narcose - Jacques Barberi

Auteur : Jacques Barberi
Titre : Narcose
Editions La volte, 2008

Jacques Barbéri est de retour au premier plan après 4 années d’absence. Il a publié entre temps des nouvelles et a aussi traduit. C’est aux éditions La volte que paraît conjointement Narcose, le premier tome d’une trilogie éponyme ; et un recueil de nouvelles : L’homme qui parlait aux araignées.



Narcose est une ville-sphère. Le corps est instrumentalisé, modifié, transformé via des plastitêtes et des plastiorganes. Chaque être « humain » peut ainsi prendre l’apparence d’un autre, changer de corps, par des voies légales ou transgressives auprès des marginaux. On appelle cela de la « chirurgie esthétique carnavalesque ».

Au bar Lemno’s club, Anton Orosco, ancien architecte aujourd’hui promoteur immobilier loin d’être clair, tombe sous le charme de Lisandra. C’est une scientifique spécialisée dans les interfaces biomécaniques. Elle possède un monstre arachnide (une interface biotique autonome). 

Plus tard, au bar mobile de Alice, Anton prend un verre peinard au milieu d’une faune éclectique d’habitués. Sans crier gare, des moines kamikazes surgissent et font sauter l’établissement. Alice semble être la seule survivante lorsqu’elle se réveille dans un hôpital. En effet, un médecin l’informe que toute sa clientèle y est passée, sans parler de l’anéantissement du bar. Adieu le fonds de commerce. Un autre personnage entre à son tour dans la pièce. Anton se serait tout simplement volatilisé. Problématique car il est recherché…




Narcose est un roman à l’univers onirique et débridé, totalement fou. De mon point de vue, Narcose s’apparente aux romans de Jeff Noon : drogue, roboflics, altération de la réalité, monde des rêves, imagination débordante… La suite est prévue pour 2009 : La mémoire du crime. Barbéri est un écrivain français a (re)découvrir au plus vite. Par la même occasion, vous soutiendrez un petit éditeur dont le catalogue n’a rien à envier aux plus grands.

Janua vera - Jean-Philippe Jaworski

Auteur : Jean-Philippe Jaworski
Titre : Janua vera
Editions Les Moutons électriques
Parution : 2007

Pour cette première œuvre publiée, Jaworski place la barre très haute en tissant à travers sept destins des récits fantaisistes autour de la région de Léomance qui font plus penser à du Dumas qu’à du Tolkien.




Je ne parlerai pas de " Janua vera ", le moins bon texte qui m’a laissé sceptique et un sentiment d’inachevé ni de " Le service des dames " qui se lit sans déplaisir mais que j’ai trouvé un ton en dessous des autres nouvelles.


Mauvaise donne

Benvenuto, un maître-assassin, découvre son mentor Don Mascarina sauvagement torturé. Bien que n’ayant pas d’affinités particulières avec le supplicié, Benvenuto va tout faire pour découvrir les auteurs de ce crime.
Complots, stratégie, exécutions, roublardise sont au cœur de ce conflit haletant et rondement mené. La première claque.


Une offrande très précieuse

La horde du burgrave Bratislav est attaquée par l’ennemi. Cecht fuit tant bien que mal et se réfugie dans la forêt de la Vieille Déesse. Blessé lors d’un affrontement, il erre et tombe sur un compagnon qui se meurt, le vieux Dugham. Cecht choisit de l’abandonner mais ne tardera pas à revenir vers lui car le guerrier seul peut l’aiguiller et retrouver le chemin d’Ouromagne.
Récit dickien et émouvant.


Le conte de Suzelle

Itinéraire à l’échelle d’une vie de Suzelle, une petite fille effrontée qui vit dans sa bulle et qui sera confrontée à son destin. 
Bien que n’étant guère original, c’est une des plus belles réussites du recueil, avec une fin étonnante.


Jour de guigne

L’archiviste maître Calame est atteint du syndrome de Palimpseste. Il se rend au scriptorium de la chancellerie pour que l’on se penche sur son cas. Mis en quarantaine, il ne tardera pas à servir d’appât dans le but d’appréhender un assassin fantôme.
Entre ésotérisme, érudition et une forte dose d’humour, ce texte est un régal.


Le confident

Un jeune homme, suite à une avalanche de malheurs, aura pour seul issue de s’engager dans les ordres. Un futur non moins cruel l’attend. 
D’une noirceur absolue, ce texte sans concession ponctue le recueil d’une main de maître.



Vous l’aurez compris, il serait vraiment dommage de passer à côté de " Janua vera ", l’un des ouvrages les plus marquants à mes yeux de 2007. La prose est d’une élégance et d’une raffinité peu commune, mise en valeur dans des récits très différents les uns et des autres mais néanmoins complémentaires. Un auteur à surveiller de près.

Inversion - Brian Evenson

Auteur : Brian Evenson
Titre : Inversion
Editions Le cherche-midi, 2007 (sortie poche 10/18)

Rudd Theurer est un américain à l’adolescence perturbée. Son éducation baigne dans la religion mormone et un cadre familial difficile. Sa mère s’occupe négligemment de lui depuis le décès de son mari. Rudd apprendra avec les rumeurs qu’en réalité il s’est suicidé, chose que sa mère refuse d’admettre.

En fouillant dans les cartons regroupant les affaires de son père, Rudd met la main sur trois correspondances. Il y apprend que son père aurait eu un enfant non déclaré avec une dénommée Anne Korth. Il se renseigne auprès de sa mère qui nie en bloc. Il décide donc de s’en assurer par lui-même et se rend au domicile des Korth. Là il fera la connaissance de Lael, son présumé demi-frère. En effet, Lael se prend au jeu, sans avoir de preuve.

Dès lors, ils se retrouvent tous les week-ends. Lael désoriente Rudd par sa froideur, sa manipulation. Il aime retrancher son demi-frère dans ses limites. Ce n’est pas vraiment de l’amitié qui les lie, néanmoins Rudd éprouve le besoin d’être en sa compagnie.

Pour une recherche scolaire sur un sujet libre, Rudd tombe sur un fait divers qui va le fasciner allant jusqu’à l’obnubilation. En 1902, un crime crapuleux a été commis dans un canal proche de New-York. Son assassin était le petit fils du chef mormon, William Hooper Young : W.H.Y.

Plus tard, Rudd sera retrouvé évanouit sur une scène de crime rituelle. Quatre personnes ont été tué, leur cadavre disposé de façon à former un motif formant les signes des vêtements du temple mormon. Rudd se souvient qu’il était avec Lael sur la colline avant que tout devienne trouble. Seulement le Lyle en question n’a jamais entendu parler ou vu de Rudd.

A sa sortie de l’hôpital, le jeune homme va s’installer chez Lyndi, la fille dont les parents ont été supprimé. Elle pense qu’il lui permettra de retrouver les coupables. Et puis, c’est la seule personne qu’elle ait puisque ce n’est pas l’entente cordiale avec sa tante. Lyndi ne tardera pas à s’apercevoir que le comportement de Rudd est étrange. Son caractère est très instable. Il est tour à tour lunatique, violent, joyeux. Au fil du temps, ses propos deviennent incohérents. Par moments, Lyndi croit entendre une autre voix qui sort de la gorge de Rudd. Mais elle choisit de poursuivre sa route à ses côtés et de lui venir en aide…



Inversion est une plongée dans l’univers tourmenté d’un adolescent atteint de schizophrénie. La maladie semble s’accroître depuis ses recherches sur le crime des années 1900. Le livre est à rapprocher d’une part du film « Spider » de David Cronenberg pour la schizophrénie et d’autre part de « Mulholland drive » de David Lynch pour son côté labyrinthique. La troisième partie du livre vaut à elle seule l’acquisition du livre. Le lecteur nage en eaux troubles, ne sachant de quel côté se situe le simulacre, se demandant si tout ce qu’il vient de lire n’est pas une histoire dans l’histoire. 
Inversion s’avère être un roman troublant, intrigant, sinueux. Un véritable tour de force qui ne laissera personne indifférent. Brian Evenson vient de frapper à la porte des grands écrivains de ce siècle.

mardi 7 juin 2011

La disparition d'Anastasia Cayne - Grégory Galloway

Auteur : Gregory Galloway
Titre : La disparition d'Anastasia Cayne
Editions Albin Michel, 2008


Le narrateur, dont on ignore l’identité, est un adolescent sans histoires, sans véritables amis, sans réel charisme. Quelqu’un qui passe partout et qui brille par son insignifiance. Un vase qui sonne creux. Sa vie va basculer à l’arrivée d’une fille dans son lycée. Elle se nomme Anne Cayne. Mais tous ceux qui l’aiment l’appelle Anastasia. C’est une gothique qui traîne avec une bande de sept gars, eux aussi partageant les mêmes valeurs. Sauf qu’Anna est une personne à part. Fort cultivée – notre narrateur anonyme fait sa connaissance dans la bibliothèque du lycée sur un conseil d’un prof pour draguer – ,elle lui dresse une grille de lecture (Rimbaud, King, Lovecraft, Burroughs, Bierce…) axée sur le surnaturel et l’étrangeté. Elle possède plus de 1000 CD qui se baladent dans sa chambre au milieu des livres. L’adolescent va rapidement s’éprendre de cette femme excentrique, fasciné par son intelligence et sa passion pour le mystère. Elle fonctionne par codes, énigmes, jeux de piste (parfois qui frôlent le morbide mais c’est sa marque de fabrique). Leur relation amoureuse prend forme et leur complicité s’accroît, ceux-ci se fréquentent de plus en plus. Notre narrateur remarque des bleus, des coupures sur ses bras, son cou, son visage mais Anna fuit les questions toujours de manière habile. C’est elle qui mène la barque. En grande admiratrice du magicien Houdini, elle propose d’utiliser un code secret pour leurs correspondances. Les énigmes continuent d’arriver et les réponses semblent ne jamais pouvoir être à sa portée. 

Une nuit, sans crier gare, Anastasia disparaît. Sa robe est retrouvée sur la glace d’une rivière, disposée à côté d’un trou fait dans celle-ci. Son corps ne sera jamais retrouvé. Qu’est-il advenue d’Anna ? Suicide ? Fugue ? Une énième énigme ? C’est ce que le jeune homme va se charger de découvrir. Jusqu’à en perdre la raison, le goût de la vie. D’autant plus que des messages qui sont sans aucun doute l’œuvre d’Anna lui parviennent les jours et semaines suivantes. Par lettres, par sms, etc. 




On sort bouleversé de ce roman qu’on ne veut lâcher avant le dénouement final. Le climat est énigmatique, envoûtant, inquiétant. L’auteur apporte une réponse mais toute autre que celle attendue par le lecteur. Si vous aimez David Lynch, ce texte est pour vous. On reprochera seulement la prose un peu légère,  mais c'est un détail qui n'entâche en rien le plaisir de lecture. 

L'hôpital des étoiles - James White

Titre : L’hôpital des étoiles (1979), VO hospital station (1962) 
Edition : le masque, science-fiction 


Dans un futur relativement proche, le projet pharaonique de construire un hôpital capable d’accueillir toutes les espèces de la galaxie a pris forme. Cette structure galactique est une véritable société au cœur de laquelle foisonnent des créatures hétéroclites aussi bien dans le corps médical que chez les patients. L’hôpital combine des buts multiples comme les soins, l’hébergement, la formation et la recherche. Il n’est donc pas surprenant de trouver des branches telles l’exobiologie (étude des formes de vie extra-terrestre) ou encore la xénologie (branche de l’ethnologie spécialisée dans les races extra-terrestre). Les espèces sont classifiées en fonction de leur morphologie, leur alimentation, de ce que les spécimens respirent, etc. ceci dans le but d’éviter les erreurs. Un nombre conséquent d’espèces va de paire avec un nombre élevé de langues. La solution à cet obstacle non négligeable pour la communication est un bloc traducteur qui convertit les sons en anglais. Quelques manuels sont rédigés dans la langue universelle mais celle-ci est loin d’être maîtrisée par l’ensemble du personnel. 
Un tel mélange va amener l’auteur à nous entraîner dans des péripéties souvent loufoques mais aussi tragiques.
 


Avec l’hôpital des étoiles, James White campe les bases de son immense saga du Sector Général. Nous suivons les personnages avec grand plaisir au contact des individus extra-terrestres aussi étranges, farfelus, attachants soient-ils. L’auteur nous montre que l’enfer n’est pas forcément les autres et que nous avons beaucoup à nous apporter. Divertissement et dépaysement garanti.

Chromozone - Stephane Beauverger

Auteur : Stephane BEAUVERGER (France) 
Titre : Chromozone 
Parution : 2005 
Editions : La volte 



Dans un futur où les humains vivent reclus dans des micro-sociétés à caractère ethnique, religieux, nous suivons les vicissitudes de plusieurs personnages comme Teitomo le vieux flic dur à cuir, Gemini un jeune breton en conflit avec son frère surnommé Le Tore ; les histoires étant au début du récit indépendantes pour se rejoindre à la fin. 
Nous faisons la connaissance de Khaleel, un artefact vivant qui réceptionne et analyse quantités de phéromones par la moelle réceptrice de sa nuque pour ensuite naviguer dans son sang jusqu’aux reins collecteurs-traducteurs et enfin recracher les messages via ses pores. 
Plusieurs entreprises font des pactes ou se tirent la bourre, c’est selon. 

Nous savons que le chromozone est un virus informatique mais l’auteur ne développe pas suffisamment le sujet au profit de l’action, qu’il maîtrise fort bien. Néanmoins j’aurai aimé voir des réflexions, des pistes sur ce fameux chromozone et on reste sur notre faim. L’équilibre entre ses deux pôles aurait été plus judicieux, plus palpitant à mes yeux. 

C’est donc un premier roman plutôt intéressant que nous livre l’auteur, avec néanmoins quelques défauts qui peuvent être corrigés aisément (notamment des descriptions de-ci delà qui n’apportent rien au récit) et un approfondissement sur ce virus. Pas totalement convaincu en somme mais à lire ne serais-ce que pour découvrir cette nouvelle plume dans le paysage de la s-f.

Les noctivores - Stephane Beauverger

Auteur : Stephane BEAUVERGER (France) 
Titre : Les noctivores 
Parution : 2005 
Editions La volte 



Les noctivores est la seconde partie du tryptique (chromozone t1 et la cité nymphale t3). 
Chaque livre peu se lire indépendamment des autres. 



« La catastrophe est nécessaire, la catastrophe est désirable, la catastrophe est légitime, la catastrophe est providentielle, le monde ne se renouvelle pas à moins et si le monde ne se renouvelle, il devra disparaître avec les hommes, qui l’infectent ». (Albert Caraco) 



Nous avions assistés dans le premier tome à la libération de Chromozone, un virus électronique militaire. Le début des Noctivores nous narre l’envahissement, par ce virus, de la majorité des places financières. Une certaine Laurie Deane se trouve derrière cette opération. 
Peu de personnes virent le message des terroristes compte tenu du fait que le Chromozone, de par sa puissance phénoménale, a attaqué le réseau de diffusion de ses libérateurs. Le virus a la capacité de se multiplier grâce à des instructions codées. 

La société Karmax rétablie la communication via un codage chimique de phéromones organiques. Des pseudo-scientifiques saisissent la balle avant le rebond et profitent de la pagaille pour en tirer un maximum de profit. En effet, ceux-ci utilisent des molécules humaines pour fabriquer des phéromones artificielles. Il n’en faut pas plus pour que le virus se propage dans les organismes et les infectent. 

Puis nous faisons la connaissance de Cendre, garçon de 10 ans, qui a été choisi par le Seigneur pour protéger les citadins de Lourdes. Il est l’instrument de la volonté de Dieu. La ville va être attaquée par des marchands, contaminés par le chromozone, ce qui les amènent a avoir des conduites ultraviolentes et les poussent au massacre des populations. Ces agents du malin vont être exterminés en une fraction de seconde par Cendre, le Sauveur, par un procédé inconnu. Ce phénomène surnaturel conduit les habitants à l’acclamer… 

Cendre doit se rendre au château des Maîtres, les gardiens de la vraie foi. C’est là qu’il peut voir sa mère sporadiquement, il n’a jamais vu son père. Le reste du temps, il est forcé de vivre au cœur de la cité. Les Maîtres lui apprennent qu’il devra se rendre chez le pape Michel, un hérétique qui blasphème les évangiles. Pour cela il se rend à Biarritz et embarque sur un bateau gouverné par les Pêcheurs qui étaient craints auparavant. Ces derniers se caractérisent par une hygiène déplorable. Le capitaine révèlera au garçon qu’il y a un changement de programme. Sa destination n’est pas Paris mais Hambourg puis Berlin. Ils n’auront pas le temps de l’y conduire puisqu’ un matin un commando enlève le garçon pour l’emmener sur l’île de l’Ouessant où se trouvent les Keltiks et en particulier Gemini (personnage déjà présent dans le t1 comme d’autres d’ailleurs). 


« Le chaos sera bientôt notre dénominateur commun, nous le portons en nous et nous le trouverons en mille lieux ensemble, partout le chaos sera le futur de l’ordre, l’ordre déjà n’a plus de sens, il n’est plus qu’une mécanique vide et nous nous consumons à la perpétuer, afin qu’elle nous dévoue à l’irréparable » (Albert Caraco) 


Dès lors tout le monde veut le gamin, son pouvoir étant une arme non négligeable, qui pourrait se révéler dévastatrice si elle passait à l’ennemi. L’idée de le supprimer est envisagée mais l’exécution n’aura pas lieu. Cendre vient d’être enlevé par les sbires de Kahleel. Les noctivores (individus contaminés mais d’une manière autre ; ils agissent ensemble et peuvent parfois contraindre leurs cibles à faire ce que bon leur semblent) de Peter Lerner entre dans la danse… 


Ce deuxième tome est mieux construit que Chromozone. L’action est prenante de bout en bout et on sent qu’à tout moment ça peu peter sévère. Les personnages sont bien campés et on en apprend un peu plus sur le chromozone. L’ambiance est plutôt sombre, chacun essaie de baiser l’autre pour s’approprier l’enfant. C’est donc un bon cru comme on dit. 



Ps : Faîtes-moi plaisir. Lisez Albert CARACO, ce visionnaire hélas inconnu auteur notamment de "Bréviaire du chaos" aux éditions l’âge d’homme, 1999 (1982 première parution) dont sont extraites les deux citations.