vendredi 30 septembre 2011

Julian - Robert Charles Wilson

Auteur : R.C. Wilson (Canada)
Titre : Julian
Parution : Editions Denoël
Année : 2011 (2009 pour la VO)

Livre préféré à ce jour de l'éditeur dans la bibliographie du canadien, c'est avec une certaine curiosité que nous attaquions ce roman de Wilson. Les critiques globalement élogieuses confortaient notre sentiment de passer un bon moment. D'autant plus grande en fut la déception. Nous y reviendrons.

Aux alentours des années 2170, une grande crise pétrolière frappa à l'échelle planétaire. Après ce chaos, les Etats-Unis se reconstruisent via son armée et la religion. Cette religion (le Dominion) éduque notamment par l'intermédiaire de son "recueil du Dominion pour jeunes personnes" et en censurant volontiers livres et films.
Le président a l'esprit presque tranquille, en dehors de la menace de son neveu (Julian Comstock) qui est  agnostique, scientifique et philosophe. Pour s'en débarrasser, il l'envoie sur le front dans le conflit du Labrador contre les Hollandais, ces Mitteleuropéens avides des précieuses ressources naturelles. Mais Julian se révèle bon soldat - bien qu'anti-militariste : "c'est chose amère que de tuer des inconnus", et une personne appréciée. Son ascension peut alors commencer...

La narration est assurée par l'ami de Julian, Adam Hazzard. L'écriture de Wilson,limpide et fine, contribue au plaisir de lecture. Mais là où le bas blesse, c'est au niveau de l'histoire. Je n'ai pas réussi à être intéressé par la trajectoire du personnage, et je trouve dommage qu'il n'ait pas plus approfondi le rôle du Dominion, la guerre contre les Hollandais, l'économie, les conditions de vie, etc. Fait rarissime, j'ai lâché le livre p420, en ayant l'impression d'être passé à côté du bouquin.

Les qualités d'écriture indéniables de "Julian" ne peuvent donc masquer sur la distance les lacunes de l'histoire, trop linéaire, avec de bonnes idées sous-exploitées. Nous considérons ce livre comme une fausse note, et vous invitons à vous faire votre propre opinion, étant donné qu'il bénéficie majoritairement d'une bonne presse.

dimanche 25 septembre 2011

Joueur_ 1 - Douglas Coupland

Auteur : Douglas Coupland (Canada)
Titre : Joueur_ 1
Paru en 2011 (VO, 2010)
Editions Au Diable Vauvert


Connu et reconnu pour des romans tels "Toutes les familles sont des psychotiques" ou "Génération X", l'auteur dresse une fin du monde apocalyptique en espace clos (un bar dans un aéroport) et disserte sur le sens de la vie, la notion du temps, notre relation avec autrui, la religion, sans entrer dans des discours pompeux.


Dans un aéroport, cinq personnes se retrouvent bloquées au bar en raison de plusieurs explosions alentours qui provoquent un épais nuage de poison (anthrax et autres joyeusetés) : ça pique les yeux et ça démange beaucoup. A l'intérieur donc, Rick, le barman dans l'attente du Messie (Leslie Freemont) qui laissera à désiter dans son rôle titre ; Karen, la quarantaine, divorcée avec une gamine, qui a justement rancard avec un homme rencontré sur le net. Cet homme, c'est Warren. Et manque de bol pour lui, il se fera flinguer par un terroriste sur le toit. Le pasteur Luke, qui, sur une illumination divine (?), vient de se tirer avec la caisse de sa paroisse (quelques milliers de dollars). Et enfin, Rachel, à la beauté sidérante, qui souffre de multiples anomalies cérébrales : pas de sens de l'humour, incapacité d'entretenir une relation normale, incapacité à reconnaître les visages, etc. En voilà une bien partie dans la vie. Son souhait le plus cher consiste à se dénicher un géniteur pour démontrer à son père qu'elle peut être un temps soit peu "normale".

A l'extérieur, en plus des explosions terroristes et du tueur sur le toit, le prix du baril de pétrol prend des proportions ahurissantes pour atteindre son summum, 900 dollars. Ca calme tout net. N'ayant d'autres choses à faire que de se barricader et d'attendre les secours, ceux-ci vont être amenés à faire connaissance, à parler de tout et de rien, et dans cette atmosphère de fin du monde, à s'interroger sur la vie, sur le temps qui passe, sur le rôle de la religion, etc. Doit-on faire en sorte de laisser une trace de soi après soi dans l'Histoire ? Est-il vain de mener une vie banale puis quitter cette planète sans avoir compter pour quelqu'un ? Coupland y apporte un début de réponse en nous incitant à profiter de ce lapse de temps qui nous est accordé et à vivre ce moment comme une expérience.

Le roman se lit très vite via la fluidité de l'écriture et les changements de chapitre rapides (chacun étant axé autour d'un personnage), mais il manque quelque chose pour en faire un grand livre. On a du mal à être complètement intéressé par ce qu'il se passe dans ce bar, en dépit des mises en perspective du sens de l'existence et de la capacité d'adaptation des individus face à une situation exceptionnelle. On aurait aussi aimer en savoir davantage sur les événements extérieurs. Plaisant à lire, à mi-chemin entre la fiction et l'essai, "Joueur_1" est au final un peu raté, mais mérite tout de même qu'on s'y arrête.

mardi 6 septembre 2011

Hard boiled - F. Miller & Geof Darrow

Titre : Hard boiled
Scénariste : Frank Miller
Dessinateur : Geof Darrow
Editeur : Dark Horse
Première parution : 1992

Un individu pense s'appeler Seltz, avoir 35 ans, une femme et deux enfants. Sauf que c'est un androïde appartenant à une unité, programmé pour tuer. Sur ce point, il remplit parfaitement son contrat. Ses missions tournent rapidement au carnage, et là, pas de cadeau. Il exécute des dizaines d'innocents (humains) à chaque fois. "What the heck's going on ? I thought i was a normal guy". Raté, man !

Il faut bien reconnaître que le scénario est assez mince. De nombreux points auraient mérités d'être éclaircies, cependant l'essentiel ici concerne le graphisme. Et quel graphisme ! Les planches fourmillent de détails dans cet univers futuriste, férocement sexuel et ultra-violent.

On ressort donc un peu sur notre faim, en se disant qu'avec un scénario à la hauteur du travail effectué par Darrow, on aurait eu droit à un must.

lundi 5 septembre 2011

Drood - Dan Simmons

Auteur : Dan Simmons (USA)
Titre : Drood
Editions Robert Laffont
Paru en 2011 (VO, 2009)


"Drood" retrace de manière mi-biographique mi-fictive, les cinq dernières années de vie du célèbre Charles Dickens (alias l'Inimitable), à travers le récit de son ami et compagnon d'écriture, Wilkie Collins. En grand consommateur de laudanum (opium), sa prose prendra des tournures hallucinées, et embarquera le lecteur dans ses délires - ou supposés tels.

En 1865, Dickens fut un miraculé de l'accident de Staplehurst. Un drame ferroviaire qui envoya plusieurs wagons dans le précipice, hormis celui dans lequel il se trouvait. En descendant le remblai pour prêter assistance, l'écrivain croisa un homme qui s'appelait Drood, un "personnage énigmatique et fantomatique, spectrale, vêtu d'une cape noire". Profondément perturbé par l’évènement,  Dickens confia plus tard à Collins que Drood a tué des passagers blessés, allant jusqu'à le soupçonner de cannibalisme. Son ami douta fortement de la version rapportée par Dickens, pensant qu'il était encore en état de choc.
Par la suite, l'écrivain se lança dans le mesmérisme (l'hypnose) pour soigner son épouse, atteinte de crises d'hystérie. Il se consacra également à des lectures publiques et interpréta de nombreuses pièces de théâtre.
Quant au mystérieux Drood, il hanta toujours notre homme, le voyant à sa fenêtre de chambre bien qu'elle soit au première étage ou à d'autres occasions. Un inspecteur de police confirma l'existence de Drood, qui aurait tué des centaines de personnes depuis vingt ans...

On sent que Dan Simmons s'est parfaitement documenté sur les deux auteurs et sur leur époque. Leur relation  jalonne le récit, passant de l'admiration de Wilkie à de la jalousie pour ne pas dire de la haine, car Dickens est unique. En outre, l'influence du laudanum laisse planer le doute sur le degré de véracité des propos de son compagnon. Nous assistons aux ravages de la drogue, et à l'état de santé précaire du narrateur, agacé qui plus est par un scarabée aggripé derrière son oeil droit de temps à autre.
Par ailleurs, Collins nous prend à partie, nous "Cher Lecteur" pour immiscer des remarques sur sa démarche créatrice ou pour mettre l'accent sur certaines choses.
A noter qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu Dickens ni Collins pour comprendre "Drood", bien que la lecture du "mystère d'Edwin Drood" (laissé inachevé) soit assurément bénéfique pour en saisir toutes les subtilités.

Avec "Drood", Dan Simmons nous livre quasiment une oeuvre biographique, même si la plume opiacée de Collins à de quoi désarçonner. En dépit de quelques longueurs, saluons l'audace de l'auteur dans un registre qui lui est moins familier, pour un résultat certes nébuleux mais captivant.